Introduction de l'exposition

Il y a des villes dont l’histoire peut se résumer en une date. Des villes plus ou moins importantes dans la géopolitique de leur temps mais qui à un moment donné ont vécu un évènement ou un drame les ayant projeté sous les feux des projecteurs. C’est le cas de Rennes, capitale de la province de Bretagne, pourtant bien connu des écrits depuis l’Antiquité, mais qui a vécu en 1720 un évènement qui reste encore aujourd’hui dans bien des mémoires : le grand incendie de la partie haute de la ville.

Au début du XVe siècle, le duché de Bretagne connait une période de prospérité que nous connaissons sous le nom de « grand siècle des ducs » (1399-1488). Ce duché dispose d’une capitale, Rennes, de son propre parlement, d’une chancellerie, d’une université et de sa propre armée. Véritable territoire indépendant, le duc de Bretagne, de par ses pouvoirs, peut battre monnaies, fixer l’impôt, traiter directement avec des souverains étrangers et appuyer son autorité sur une assemblée de nobles et de bourgeois, appelée les "États particuliers de Bretagne". Le territoire possède ainsi tous les outils qui pourrait le mener vers un futur État moderne. C’était sans compter sur l’appétit de son voisin français près à tout pour posséder de nouvelles façades maritimes pour son royaume. Après une guerre qui ruine le duché, Anne de Bretagne épouse, malgré elle, le roi de France, Charles VIII, le 6 décembre 1491 avec en dote son duché hérité de son père. De bonne grâce, Charles VIII accepte de reconduire tous les privilèges accordés jusque-là au duché de Bretagne lui permettant une certaine autonomie même vassal du royaume de France. À la mort soudaine de Charles VIII, Anne épouse son successeur Louis XII. Le contrat de mariage stipule que si elle n’a pas d’enfant que le duché reviendra à une branche des seigneurs de Montfort. Finalement après voir donné naissance à neuf enfants, seules deux filles atteignent l’âge adulte, Claude et Renée. Claude est rapidement promise à son cousin François d’Angoulême connu aussi sous le nom de François Ier. Le mariage est célébré le 18 mai 1514. Dès lors, François Ier fait pression sur son épouse qui n’est pas attaché autant que sa mère au duché de Bretagne. La majorité des ducs bretons se range sous la bannière du roi de France pour ses expéditions d’Italie. François Ier commence à mettre en place des Français aux postes clés de l’administration locale commençant le processus de « francisation » du territoire. Après la mort de Claude, son fils hérite du duché de Bretagne et le 13 août 1532 est promulgué l’ « édit d’union de Nantes » marquant l’union perpétuelle entre les deux territoires. Finalement, la Bretagne perd son indépendance d’antan et devient une simple province du royaume de France. Pour ce faire un parlement provisoire est mis en place à Vannes. Il faut attendre 1655 pour que Rennes soit dotée d’un bâtiment faisant office de siège du Parlement de Bretagne, matérialisant le pouvoir du roi de France sur l’ancien territoire armoricain. Sa construction fait de Rennes un nouveau centre urbain important.

Idéalement située près de la Vilaine, la ville de Rennes est une ville médiévale qui subit peu de transformations ou de travaux. Etant une ville médiévale, Rennes est une ville fortifiée par des remparts comprenant des portes monumentales pour entrer dans la ville. La ville intra-muros est composée de maisons aux façades très élevées et de rues étroites, sales et malodorantes. Cela n’empêche pas pour autant à la noblesse ou la brugeoisie d’y habiter. C’est dans les faubourgs à l’extérieur des murs de la cité que l’on construit les hôtels particuliers dès le début du XVIIe siècle quand on commence la construction du Parlement de Bretagne ou encore celle du Présidial. C’est dans cette ville médiévale quelque peu banale qu’un évènement va permettre de mettre en conjonction la cité et sa fonction.

Comme avant chaque hiver, les Rennais ont pour habitude de stoker dans les caves et les greniers, les denrées nécessaires pour passer l’hiver. C’est sans compter sur un habitant qui mis le feu à un drap par inadvertance et qui provoqua le plus grand incendie que la ville ait jamais connu. L’incendie se déclare dans la nuit du 23 au 24 décembre 1720 provoquant la destruction de près de la moitié de la ville localisée au nord de la Vilaine. Après sept jours à lutter contre les flammes, la pluie permet enfin de maitriser le feu. Dès lors, va s’opérer une très grosse opération de déblaiement et de reconstruction que l’on peut qualifier de mutation urbaine ou de « modernisation » selon les traditions architecturales des villes de l’époque. Isaac Robelin, directeur des fortifications de Rennes et Jacques V Gabriel, architecte du roi, vont chacun respectivement participer à ce chantier d’envergure dans une ville encore bien ancrée dans la tradition. S’il est vrai que le sujet même de la reconstruction de la ville de Rennes après le grand incendie de 1720 est un sujet qui a été de nombreuses fois étudié notamment dans les années 70, moment où l’étude des histoires régionales retrouve un regain auprès des intellectuels, et plus récemment en 2020 à l’occasion des 300 ans de l’incendie, il nous a paru essentiel de revenir sur ce sujet dans le cadre d'une exposition exceptionnelle marquant les trois cent cinq ans de l'incendie.