Mémoire Vive Numéro 3


SAVOIR-FAIRE


LE TRAITEMENT DES OBJETS DANS LES VISITES PASTORALES DES XVe et XVIe SIECLES

L'étude statistique des visites pastorales est aujourd'hui l'un des moteurs de l'histoire religieuse, dont elle a provoqué la " révolution des Annales " , en lui donnant une dimension sociologique, lui permettant d'aller au-delà de l'histoire des doctrines et des institutions. Cette utilisation n'est pas sans poser des problèmes méthodologiques, souvent méconnus des non spécialistes, car une visite pastorale n'est pas une enquête. Elle est le résultat d'une synthèse entre ce qu'a perçu l'oeil du visiteur, généralement désireux d'appliquer des réformes, et la réalité paroissiale, dont les réponses à cette politique sont plus ou moins masquées par l'inertie des habitants, qui soutiennent leur curé, ou des curés qui se taisent sur les manquements de leurs ouailles.

Une fois posé ce cadre critique, il n'en demeure pas moins que ce document sériel recèle des possibilités importantes d'analyse, particulièrement en ce qui concerne tout ce qui est visité systématiquement, dont la présence ou l'état sont directement accessibles au visiteur. La relative stabilité du document, organisé sur des schémas communs à l'ensemble de la chrétienté, permet de plus, des comparaisons entre les lieux et les temps.

Le traitement du contenu matériel des visites, très descriptif, est longtemps resté lourd et fastidieux; pour cette raison, les chercheurs l'ont souvent limité dans le temps ou dans la matière à certains aspects seulement, ou l'on carrément négligé. C'est le contenu matériel des visites qui est pourtant le plus indiscutable méthodologiquement. Si un visiteur ne voit pas tout, ce qu'il voit est vu. Un clocher effondré, un calice fendu, des ornements déchirés ne nécessitent pas de filtrage critique pour être utilisés. Or si l'état matériel dépend de la richesse des paroisses, il reflète aussi, inévitablement, l'attachement des paroissiens à leur église et aux structures du sacré de leur culture.

L'état matériel donne aussi et surtout l'occasion, lorsque l'on dispose d'un nombre important de paroisses, d'observer les différences de comportement entre régions, et d'y déceler les traces ou les germes d'oppositions passées et futures, de rapports différents à l'égard de la religion. C'est du moins l'hypothèse qu'on pouvait faire avant d'entreprendre un traitement à grande échelle. Pour comprendre l'apport des traitements informatiques à cet égard, il faut d'abord faire le catalogue du contenu des descriptions matérielles.

Les objets pointés par les visiteurs

Depuis le Moyen Age, les visites se font toujours à peu près dans le même ordre, en tout cas sur les mêmes chapitres, et les procès-verbaux ou ordonnances qui en dérivent, comportent toujours en gros le même genre de renseignements, propres à faciliter le travail de codage. Mais ce n'est qu'une apparence, car avant le concile de Trente, dans une même visite, les centres d'intérêt du visiteur peuvent notablement varier, et avec eux, les variables de l'historien s'effondrer. Le codage à priori, sur les débuts d'une visite, serait une grossière erreur de méthode. Les objectifs, les questionnaires et les procédures de visites ne sont pas bien fixés, mais ils présentent cependant un caractère répétitif.

On trouve souvent le récit de la réception et des conditions matérielles du voyage. La liturgie de la visite sert alors de fil conducteur. L'évêque baise les reliques - et peut les faire décrire - puis il visite toujours le Saint-Sacrement et les vases et objets liturgiques, le choeur, la nef et le clocher, le cimetière; ensuite, se place une interrogation du clergé et des laïcs, dont le report peut donner des renseignements précieux, mais plus rares et plus difficiles à coder et à critiquer. A chaque moment, comme l'état des bâtiments, celui des objets peut apparaître; il fait même l'essentiel de la plupart des visites.

On laissera de côté l'étude des bâtiments, pour laquelle l'informatique a fourni des résultats surprenants de cohérence et d'efficacité en Rouergue, pour ne s'intéresser qu'à ce que l'Inventaire des richesses artistiques nomme les objets mobiliers. Par ordre de plus grande fréquence, en suivant l'exemple rouergat, on trouve d'abord : ce qui est nécessaire à la messe : calices et patènes, livres, vêtements et ornements, linge d'autel, fers à hosties, encensoirs, croix. Les mêmes exigences sont requises partout, y compris dans les chapelles. Les vases et meubles qui touchent au culte eucharistique : custodes, monstrances, tabernacles sont aussi systématiquement visités. On trouve ensuite ce qui est utile aux autres sacrements : boites à saintes huiles, fonts.

Partout, le décor peut faire l'objet de remarques : les rideaux, baldaquins, tapis et devants d'autels au choeur, la place des croix et des statues, la construction des retables, et encore le nettoyage. Les prescriptions d'une nouvelle esthétique seront beaucoup plus fréquentes au XVIIe siècle, mais elles ne sont cependant pas négligeables. A notre époque, il ne faut pas négliger les reliquaires. Leur état, leur matière et même leur contenu peuvent être étudiés avec profit.

Coder, compter et évaluer l'état des objets

L'étude des objets est indissociable de celle des autres aspects, particulièrement de la situation juridique et économique de la paroisse, si l'on veut parvenir à une synthèse significative. Le fichier des visites du diocèse de Rodez a donc été couplé avec celui des impositions (décimes et taxes des amortissements). Les huit visites pastorales étudiées ont été entreprises sous cinq épiscopats, entre 1417 et 1529. Elles sont le coeur de l'étude. La visite suivante, en 1634-1635, a été utilisée en contrepoint, pour observer les permanences et les évolutions. Elles décrivent 2015 lieux de culte. Elles ont été travaillées à l'aide du logiciel SAS, utilisé à un niveau très élémentaire, du point de vue statistique.

Dans les visites antérieures au concile de Trente, le but de l'émission du texte est l'ordonnance, beaucoup plus que la rédaction d'un procès-verbal descriptif. Le choix des variables a donc été adapté à ce fait. Les calices sont les vases liturgiques les plus commodes à prendre en compte. Ils sont partout présents, avec leur état et leur matière. On peut souvent les compter. On a choisi de différentier les calices ordinaires, en étain, cuivre, laiton, de ceux qui étaient en métal précieux, en argent, ou parfois en argent doré. Il n'est pas possible de connaître les poids; mais les ordonnances d'achat donnent une norme, celle d'une livre à une livre et demi, pour la fabrication du calice et de la patène. C'est probablement ce que l'on trouve le plus communément dans les paroisses.

Mais d'autres aspects sont intéressants, dans le contexte de la reconstruction, après la guerre de Cent ans. Les variables numériques sont donc doublées de variables qualitatives. Les modalités concernant les calices précieux signalent l'ordonnance d'achat ou de réparation, de récupération en cas de mise en gage, de fonte, de vol. Les calices ordinaires ne sont ni volés ni mis en gage, mais ils sont à argenter, à dorer et parfois à supprimer, au début du XVIIe siècle seulement.

Les autres vases visités systématiquement sont les custodes. Elles doivent être en argent. On distingue la custode qui sert à la réserve eucharistique, de petites dimensions encore, et celle qui sert à transporter l'hostie du Viatique, qui doit être surmontée d'une petite coupe, destinée à faire boire le malade après la communion. On a choisi de différentier seulement celles qui sont à acheter, car c'est la preuve qu'il n'y en a pas, ou pas en argent, de celles qui sont à réparer.

Signe du développement du culte eucharistique, on s'intéresse à la mise en scène de cette réserve, et plus seulement à la sécurité de conservation des espèces. Il est bon de voir où et comment. Deux variables ont été crées : l'une, centrée sur les ordonnances, concerne le tabernacle, sa construction, son entretien, l'autre sur l'état de conservation de l'eucharistie, qui donne lieu à des remarques générales, génératrices ou non d'ordonnances.

Ce qui concerne la messe est encore approché par les vêtements. On a distingué les achats des pièces essentielles : chapes, chasubles, aubes, étoles, surplis et les récupérations sur mise en gage, le nettoyage. Les linges ont été traités dans le même esprit : l'achat des nappes et des corporaux, du linge enveloppant l'hostie mise en réserve sont distingués du nettoyage, qui prouve leur présence.

Pour les livres, particulièrement observés dans trois visites, on a pu à nouveau mettre à part l'ordonnance d'achat de celle de réparation, on a pu les compter et tenter de repérer les livres non liturgiques. Avec une moyenne de 5,24 livres vers 1450, puis de 5,9 vers 1524, les paroisses ne manifestent pas l'ignorance crasse dont on les taxe souvent. Les autres objets sont cités de façon beaucoup plus discontinue. Une ordonnance les concernant pouvait pourtant avoir un rapport avec d'autres; ainsi, ce qui concerne l'encensoir et le fer à hosties, avec la messe; ce qui concerne le Viatique avec les custodes. D'autres objets, tels les chaires et lutrins disent les transformations du culte. La présence de coffres appartenant aux habitants est un bon marqueur du rapport des populations à leur lieu de culte.

Le traitement des reliquaires, croix et statues a privilégié, de même, les mentions d'achat et de réparation. Il semblait intéressant d'éclater au maximum la description des reliquaires, en raison de la richesse descriptive de l'une des visites. On a alors distingué les matières et les formes. Alors qu'une visite ordonne systématiquement des peintures, il n'est pas souvent question de statuaire; pourtant, à chaque fois, les mentions en sont précieuses, car les statues sont des objets qui restent. Je regrette ici de ne pas avoir mis le nom des saints; il a été facile de le reconstituer à partir de la liste des paroisses où elles apparaissaient, mais s'il y avait eu plus de statues, le rattrapage devenait impossible. Le deuxième regret est de ne pas avoir comptabilisé les chandeliers. En raison de l'importance du luminaire à cette époque, même une mention discontinue pouvait être éclairante.

Il faut savoir quelles questions poser, en fonction des objectifs fixés par l'étude, afin de choisir des variables susceptibles de parler. La difficulté de la construction des variables portant sur les réparations est de choisir une mention simple, pour éviter de disperser les calculs. Le problème était identique dans le cas des livres. Réparer un pied, un pinacle, une vitre de reliquaire peut être intéressant pour un historien de l'art; l'historien ordinaire y verra seulement l'indice d'un mauvais entretien ou d'une grande vétusté. Le questionnement initial n'est donc pas anodin dans la construction d'une base; il n'existe pas de solution idéale pour ce genre d'étude et ce genre de document.

Bref, le problème des objets est de choisir de les mettre en variable ou non; et si on les groupe en modalités, de prévoir un espace de codage suffisant. C'est relativement facile dans le cas des objets liturgiques ou utiles au culte, dont la variété est limitée, et dont on connaît à priori toutes les catégories. C'est certainement beaucoup plus aisé que pour les descriptions des inventaires après décès.

Comparer, regrouper, localiser

Après les inévitables observations des fréquences simples et des tris à plat, dans la perspective d'une étude de sociologie religieuse, l'étude des fréquences locales était la plus attendue. Pouvoir observer les différences entre régions est une des bases de cette méthode. Le diocèse avait été divisé en six zones de visites : les voyages (70 paroisses chacun environ); on y a ajouté une division plus petite et assez commode, bien que postérieure, celle des districts, qui délimiteront les conférences ecclésiastiques à la fin du XVIIe siècle. Les 48 districts rendent bien compte du sentiment de voisinage de huit à quatorze paroisses entre elles, avant la révolution des transports.

Deux cas doivent être distingués dans le traitement cartographique des informations. Si la variable est peu fréquente, il faut la traiter en localisation réelle; l'ordonnance d'enlever les coffres a été ainsi étudiée en Rouergue (Fig. 2). Si la variable est massive, il faut alors faire une étude de fréquence par paroisses; ainsi ont été traités les livres (Fig. 1). C'est entre les deux que se situent les choix. Ici, l'historien se détermine en fonction de sa problématique et de son intuition, et la multiplicité des approches possibles lui est une aide qui lui permet d'expérimenter ce qui est le plus signifiant. Il faut alors beaucoup de prudence. Dans les visites rouergates, on peut en saisir un exemple significatif dans l'étude de l'ordonnance d'achat de livres. Nous sommes au milieu du XVe siècle, la confection de livres manuscrits est assez onéreuse, mais les fabriques des paroisses, ravagées par les passages de troupes, ont laissé se détériorer ou mis en gage ou vendu leurs livres.

Si l'on étudie le phénomène par paroisses (Fig. 3), la géographie dessine nettement des régions où plus de deux livres sont demandés en moyenne par paroisse. On peut postuler que beaucoup de livres essentiels à la liturgie ordinaire sont alors manquants, du fait des malheurs du temps. Ce sont effectivement les régions touchées par les passages réitérés de bandes armées, dans les années 1430-1440, aux confins de l'Auvergne et de l'Albigeois.

La même variable, étudiée selon le nombre de paroisses où l'ordonnance est requise, fournit des résultats qui ne sont pas absolument contradictoires, mais qui prennent en compte une situation beaucoup plus structurelle (Fig.4). Les paroisses des confins de l'Auvergne et de l'Albigeois sont toujours présentes, mais plus discrètes; la géographie dessine une zone plus large, celle des Ségalas du nord et du centre, où la pauvreté des paroisses est bien connue, renforcée par les désordres des suites du Grand Schisme, sensibles ici jusque vers 1460.

On voit combien le choix initial conditionne l'interprétation, puisque dans le premier cas, on se repose sur une situation conjoncturelle et dans le second sur un état struturel.

Il faut aussi tenir compte dans ces domaines des effets cumulatifs des ordonnances. Si aux livres, s'ajoute l'achat obligatoire d'autres objets ordinaires, c'est que l'état des lieux est particulièrement minable. Les vêtements liturgiques et linges d'autel signalent alors le goût du visiteur et des paroissiens pour la belle liturgie, l'importance qu'ils attachent aux cérémonies sacrées comme support de la puissance et de l'harmonie de la communauté d'habitants (Fig.5). Les Ségalas, surtout ceux du nord et du sud, le Lévézou, les causses de Buzeins et de Saint-Antonin, sont particulièrement visés par ces ordonnances.

Si on rapproche la carte des livres et celle des vêtements, elles dessinent une géographie qu'on retrouve pour les lieux (l'état des bâtiments) et pour les hommes (l'encadrement en prêtres et leur recrutement).

Le sud et le nord du diocèse s'opposent, en formant des ensembles qui différencient le sud de l'Aveyron d'une part et les montagnes d'Aubrac, de Viadène, la région de Conques et les causses du Comtal de l'autre. Il y a une cohérence de l'attitude des populations des zones concernées à l'égard des choses, des hommes et des rites chrétiens. La présence de tous les objets et leur état sont liés à cette dialectique, entre ce qui est indispensable au culte ordinaire, sur lequel le visiteur transige de moins en moins, la richesse de la paroisse, aux prises avec les malheurs conjoncturels et l'importance que les communautés accordent aux choses de la religion.

Les distorsions de comportement entre les diverses zones ont cependant leurs limites. Le minimum indispensable finit par être présent partout, mais plus ou moins vite. Ce minimum évolue, comme le montre le cas des calices en argent. Alors qu'au XVe siècle, aucun évêque n'exige encore que les calices soient partout en métal précieux; au XVIIe siècle, quelle que soit la valeur de la cure et le nombre de prêtres par habitants, on trouve toujours plus d'un calice et d'un reliquaire d'argent par paroisse, en moyenne (Tabl. 1).

Mais si on se reporte à la situation de 1524, on mesure la dégradation des fabriques et des finances des communautés d'habitants, au temps des guerres de religion. Si le nombre de reliquaires est maintenu, celui des calices en argent est inférieur de moitié en 1635, en raison du moins grand nombre de prêtres et de la pauvreté des paroisses. Les fabriques n'ont pas renouvelé leur fonds de calices et de custodes; elles se sont contentées d'une seule custode en argent, pour la réserve. Il y avait 2,62 vases en argent par paroisse en moyenne, en 1524; il n'y en a plus que 1,68 en 1634.

Avec les objets, on peut encore suivre l'évolution des politiques épiscopales, en fonction des modes du temps et des lubies des évêques. Vers 1450 Guillaume de La Tour insiste sur les livres; vers 1460 et 1495, Bertrand de Chalencon et Bertrand de Polignac s'intéressent plutôt à la transformation de la réserve eucharistique en tabernacle; en 1524, François d'Estaing regarde de près les reliquaires. On lit derrière ces constatations trois politiques : uniformiser et équilibrer la liturgie, développer le culte eucharistique, répondre aux premières critiques de l'humanisme concernant les reliques.

Dans cette perspective, l'étude de l'attitude des visiteurs à l'égard de la statuaire - trop peu rapportée hélas ! - montre que trois évêques y ont été plus sensibles que les autres. Ils ont préféré commander de repeindre les statues, afin d'en améliorer l'esthétique. Mais pour la première fois, au XVIIe siècle, certaines statues, jugées indécentes, doivent être enterrées et non plus réparées. Cette attitude sera caractéristique dans les visites suivantes.

L'inconvénient d'une étude des objets type par type est le caractère éclaté des renseignements obtenus. Il est bien sûr toujours possible de comparer des cartes et des tableaux, mais sur un grand nombre d'objets, il est nécessaire d'employer une méthode plus synthétique. L'analyse factorielle, avec tous les inconvénients et tous les avantages qu'elle comporte, peut permettre d'y voir plus clair dans un corpus foisonnant.

Avant de construire la base soumise à analyse, il vaut mieux se poser des questions sur le genre de résultats qu'on souhaite atteindre et les caractéristiques des données qu'on y entre. Nous avons vu dans les tris ordinaires que l'état des objets ne pouvait être dissocié de celui de leur environnement et qu'il y avait des disparités régionales importantes. L'historiographie traditionnelle insiste fortement sur les abus du clergé à cette époque et spécialement sur la non-résidence, pour expliquer les difficultés de l'Eglise. Il est donc nécessaire d'en tenir compte. On doit enfin retrouver les particularités géographiques manifestées par les tris.

Tout semblait en place pour une analyse fructueuse, dans la visite de Guillaume de La Tour, la plus complète. Mais c'était compter sans les particularités du document. Les variables sont faiblement discriminées (1ère valeur propre 0,06), car le questionnaire sous-jacent à toute visite est plus présent que prévu derrière les procès- verbaux les plus mal rédigés.

Malgré tout, l'étude des contributions des colonnes a permis de mettre les objets en rapport avec les autres phénomènes (Tabl. 3). Sur le premier facteur (14% de l'information) les curés décimateurs s'opposent aux non-décimateurs. Aux premiers, sont associés les bénéfices les plus riches et ceux qui ont le plus de livres. C'est chez eux qu'on demande la construction d'un tabernacle et que le recteur est le plus souvent absent. Les non-décimateurs ont des cures moins riches et moins de livres. Le second facteur (10% de l'information) le confirme : aux petites cures, sont associés le faible nombre de livres et l'ordonnance d'acheter un calice ordinaire; les ouvriers y sont souvent absents lors de la visite. Dans les cures moyennes, qui s'opposent aux précédentes, on demande plus souvent de réparer le mur du cimetière et les vitres de l'église. Le troisième facteur (9%) montre que si la présence des ouvriers permet de demander plus souvent le retrait des coffres, leur absence est associée à l'ordonnance d'achat de linge et de calice d'étain.

Ainsi, l'analyse factorielle confirme des évidences que l'intuition donnait directement. C'est dans les paroisses riches qu'on demande le plus gros effort financier (tabernacle) et dans les pauvres qu'on se contente de peu. Mais, chemin faisant, on a appris que l'absence du curé était liée à la valeur du bénéfice et non pas à une quelconque régression de sa vie religieuse et morale; on a enfin vu que cette absence n'a aucun retentissement sur le destin des meubles de la paroisse, à la différence de celle des ouvriers. On peut ajouter qu'elle n'en a également aucun avec l'état des immeubles et celui des paroissiens. Les tris croisés ont confirmé ces remarques.

Le vaste labourage des données, par la multiplication des tris, a donc permis de transformer une problématique classique, celle des " abus ", à l'origine de la Réformation, et de mettre en doute un système d'interprétation bien établi. Un tabou historiographique est donc tombé, sous le coup d'une critique née d'observations nouvelles. L'emploi de l'informatique ne détruit pas purement et simplement l'ancienne interprétation, elle permet de la déplacer, d'affiner la compréhension du monde de ce temps. La non-résidence n'est pas une catastrophe dans la réalité paroissiale, mais elle est insupportable dans l'imaginaire collectif.

Tous ceux qui ont dépouillé ces documents de base en acquièrent vite l'impression, mais les idées sont reines et elles ont la vie dure, surtout lorsqu'elles sont nées des besoins d'une idéologie ou d'une apologétique, comme c'est le cas de l'idée de réforme. Ce genre d'idées est difficile à retourner tant qu'elles ne sont pas confrontées à des données indiscutables. L'analyse statistique devient alors d'un grand secours. Elle permet de changer les questions initiales sur lesquelles s'était établie une problématique.

Si la puissance du traitement informatique, fut-ce pour le comptage d'unités, dont on connait le caractère fastidieux et aléatoire, est une évidence, elle ne dispense pas de la prudence, car coder des variables n'est pas innocent, et utiliser des statistiques sophistiquées sur des données incertaines réclame du bon sens. Il faut surtout retenir la richesse méthodologique de cet outil, qui oblige à travailler les données dans la rigueur, qui autorise l'expérimentation d'hypothèses, sans autres limites que celles de l'imagination de l'historien et de la qualité des données. Elle pose la question des rapports entre le chercheur et la quête de la vérité, mais ceci est une autre histoire.

Nicole LEMAITRE Université de Paris I



Tableau I
Les reliquaires et calices d'argent dans la visite de Bernardin de Corneillan, 1634

Type de bénéfice Valeur de la cure (livres) Reliquaires or-argent Calices or-argent
Curé décimateur 344,4 1 1,6
- non décimateur 176,2 1,3 1,7
Annexe 105
Cure du Chapitre 500 1 2


Tableau II
Les reliquaires et calices en métaux précieux dans la visite de François d'Estaing. 1524

Type de bénéfice revenu net de la cure Reliquaires or-argent Calices or-argent
Curé décimateur 121 1,6 2,2
- non décimateur 51,6 1,3 3,2
Annexe 30,2 2,1 3,6
Cure du chapitre 42 1 1,7


Tableau III
Ordonnances concernant les statues

La Tour Chalencon Polignac Estaing Corneillan
Faire - 2 - - -
Réparer 3 - - 4 -
Peindre - 42 7 2 2
Déplacer - - - 2 -
Nettoyer - - - 2 -
Bénir - - - 2 -
Faire retable - 6 1 - 3
Enterrer - - - - 7
Autres - 3 - - -
Nombre paroisses visitées 296 335 295 363 334



POUR UNE UTILISATION DE L'INFORMATIQUE EN CHRONOLOGIE

Le développement du traitement des données en histoire et la nécessité de multiplier les logiques d'observation à partir d'une part des chronologies traditionnelles, comme illustration ou référent d'un texte ou d'une collection d'objets historiques ou archéologiques, d'autre part des logiciels de chronologie, conçus comme outils de repérage ou d'apprentissage scolaire, poussent à s'interroger sur la faisabilité d'un traitement informatique de la chronologie et sur l'intérêt des changements que le traitement graphique des données peut apporter dans la réalisation et l'utilisation de chronologies, tant dans la formation en histoire que dans la recherche.

Le traitement de données chronologiques est-il possible ... et souhaitable?

En manipulant non des faits chronologiques préétablis, mais une collection d'informations chronologiques soumise à un traitement formel, le traitement des données et leur mise en forme graphique portent en eux les conditions d'une construction hypothétique sans a priori temporel. Ils tendent à évacuer un enchaînement temporel unilinéaire - dans lequel la valorisation graphique ou textuelle de la genèse ou de la succession tient quelquefois lieu de causalité en dernier recours à une histoire implicitement téléologique - au profit de la problématisation des informations. La modélisation et les simulations qu'elle permet transforment la chronologie en une logique temporelle " falsifiable " des permanences et des mutations. Le traitement graphique des informations chronologiques devient document de recherche sur le ou les temps employés dans les sciences sociales.

Dans un tel système fermé d'informations, la chronologie est une abstraction et les coordonnées spatiales (topologie, extension...) et temporelles (topologie, durée...) d'un événement ou d'une période historiques sont relatives. Leur appréhension dépend de la position de l'observateur, du système de mesures qu'il utilise, de la finesse de la mesure, des caractéristiques de la collection et des manipulations opérées.

Les temps produits possèdent une topologie, des rythmes, des intensités et des durées qui n'existent qu'en référence aux informations collectées et aux modèles construits.

Pour une chronologie informatique.

Les tableurs offrent la possibilité d'attribuer à chaque événement ou période, apparaissant sur l'écran dans des lignes ou colonnes de traitement, une valeur numérique. La mesure est rendue indissociable des informations chronologiques et permet, dans certains cas, d'abolir l'irréductibilité du non-quantitatif au quantitatif. Le traitement du système d'informations chronologiques substitue à la succession des faits un modèle clos d'événements ou de périodes d'intensité variable dont l'utilisateur conçoit les unités et les lois et dont la problématique, toutes choses égales par ailleurs, individualise des structures temporelles qui ne prennent sens qu'à l'intérieur du système d'inter-relations qui les produit et les organise.

Un temps ou des temps à intensité variable?

Au niveau le plus simple, la construction textuelle et graphique dans des colonnes-écran, que nous appelons par la suite " champs " , passe par la discrétisation d'une collection d'informations prenant en compte la problématique pour construire plusieurs simulations.

Les champs délimités par l'utilisateur recoupent aussi bien les champs traditionnels de la chronologie (chronologies politique, économique, spatiale... etc) que tout corpus rassemblé autour d'un corps d'hypothèses et nommé par l'utilisateur.

A un niveau plus complexe, le tableur ou le logiciel de graphique permettent à l'utilisateur d'attribuer à chacune des informations une pondération numérique choisie par lui en fonction de l'intensité sociale qu'il lui accorde dans sa problématique.

L'affectation d'une pondération permet:

  • soit de regrouper des informations ayant toutes la même pondération (ou la pondération par défaut) sur une échelle unique à intervalles égaux ou à intervalles variables et de constituer ainsi des événements ou des périodes à plus ou moins grande densité historique;
  • soit de modifier les échelles de graduation chronologiques en fonction des pondérations du contenu (coefficients économiques, démographiques...).

Dans le premier cas, l'échelle temporelle est fixe ou obtenue en multipliant une durée physique par le nombre d'occurence des informations.

Dans le deuxième cas, l'échelle temporelle est obtenue en multipliant une durée physique par le nombre de changements de l'information ou par les valeurs de la variable thématique. Est ainsi créée une unité temporelle de transformation de l'information, autrement dit un modèle de changement historique.

La frise chronologique, instrument de la logique temporelle ainsi mise à jour, se présente alors sous la forme d'anamorphoses, dont l'échelle dépend des pondérations ou des valeurs de la variable thématique:

- les anamorphoses en nombre d'événements: elles regroupent des événements qualitatifs ou contenant un nombre d'informations rendues susceptibles d'une mesure en leur donnant une même définition formelle. Elles induisent des processus de discrétisation liés directement aux variables événementielles qu'on peut par la suite comparer avec les coupures traditionnellement admises. Un temps historique émerge du nombre d'informations.

- les anamorphoses selon un coefficient correspondant au contenu de l'information (coefficients économiques, démographiques...); le traitement est mathématique et les temps historiques émergent des coefficients de pondération ou de l'intensité des transformations de l'information.

Chaque période ainsi individualisée acquiert une densité historique qu'il convient ensuite de rapporter aux coupures traditionnelles.

L'information peut aussi se présenter sous la forme d'un tableau de valeurs. L'échelle temporelle dépend des valeurs de référence des différentes variables. Elle est obtenue en multipliant une durée physique par les valeurs successives des variables. Au niveau d'un objet historique, le temps émerge de la trajectoire de la ou des variables, c'est à dire de la multiplicité des changements internes du phénomène étudié. Il ne trouve sa réalité que dans la pluralité.

La direction et la topologie temporelles pour un phénomène donné dépendent du degré de résolution de la chronologie et de l'échelle d'observation de la multiplicité des changements qui coordonnent l'évolution de la variable: vitesse et intensité.

Dans le cas de variables non articulées au sein d'un modèle, il y a des temps qui ne coïncident pas et des histoires. Pour éviter une telle dérive, une problématique globale doit nécessairement accompagner toute construction chronologique. La dimension de la transformation est alors celle d'un objet historique complexe ou plus fréquemment d'une formation sociale.

La direction et la topologie temporelle des processus sociaux étudiés relèvent de la logique de l'évolution des indicateurs retenus. En traitant les temps intrinsèques de multiples variables événementielles aux trajectoires différentes, la chronologie rend compte des différentiels spatio-temporels traités en champs. Le dépassement de la simple addition des champs pour construire une totalité sur un système d'articulation de variables aux trajectoires distinctes, permet d'échapper au piège des temporalités multiples et à l'éclatement de l'histoire en objets hétérogènes.

Pour une formation sociale donnée, l'inscription des événements dans une problématique invite à mettre en rapport des objets (institutions, fonctions sociales, " habitus "...etc.) aux temporalités différentes. La combinaison des logiques temporelles des différents champs met ainsi en évidence certaines logiques de reproduction d'une formation sociale et met en lumière, dans un système d'articulations spatio-temporelles, la dimension de la transformation de l'ensemble.

La dialectique des durées, opérée par le traitement, dessine un temps flexible à intensité variable, un temps social à densité historique plus ou moins grande, conçu comme mode d'existence - reproduction, transformation - des sociétés.

Le temps social, conçu comme processus de transformation des sociétés, conduit à une théorie des sociétés fondée sur un modèle combinatoire dynamique des conditions de reproduction et des vitesses de transformation. L'objet de la chronologie devient la formalisation d'un concept dans lequel le temps est conçu comme mode d'existence des phénomènes ou des sociétés. Le traitement des données chronologiques devient un instrument de logique sociétale.

Dans tous les cas, l'événement est un artefact, un objet historique construit en fonction des hypothèses de départ:

  • tout rassemblement d'un corpus exige une rigueur formelle constante dans la définition des informations et implique transparence et cohérence;
  • l'utilisateur est tenu d'expliciter la théorie qui sous-tend sa compilation dans la construction d'une frise chronologique.

Dans cette perspective où l'histoire est définie, non comme science du passé, mais comme science du changement, le temps peut se définir comme un mode non spécifié a priori d'existence de la matière relevant d'un modèle explicatif dont les hypothèses sont susceptibles à tout moment d'être remises en cause par le traitement du corpus.

Dans la dialectique théorie - établissement des événements et des périodisations, de nouveaux événements, de nouvelles périodisations peuvent être mis à jour et amener ainsi à modifier en fonction de leur nombre le modèle premier ou à le rejeter pour en construire un nouveau plus immédiatement opératoire. L'utilisateur procède ainsi par rupture épistémologique en dépassant l'empirie.

Le traitement informatique des données chronologiques aide à construire une théorie temporelle des phénomènes sociaux. Les unités pertinentes ne prééxistent pas à la chronologie mais naissent de la réflexion à laquelle elle a conduit. Le graphe chronologique obtenu permet ainsi de réaliser une synthèse entre la logique d'un modèle abstrait et le réel. En ce sens, la réalisation finale d'un graphe chronologique conduit à mener une réflexion théorique sur les fonctions qui organisent une société, les formes et l'évolution de ces fonctions.

J.-M. BALDNER, C. GRATALOUP, C. LOUDENOT, F. SLAWNY


LA CONDUITE DE PROJETS INFORMATIQUES PAR LA METHODE MERISE

Dans le dernier numéro de Mémoire Vive, nous avons annoncé la publication régulière d'une série de feuillets sur MERISE, méthode de conception et de réalisation de projet informatique. Nous traiterons ci-après de l'expression des besoins, en rappelant au préalable les principes de MERISE.

L'architecture de MERISE est bâtie autour du principe suivant : tout système d'information ne peut se réduire à une description des données, mais suppose que l'on décrive aussi ses interactions avec l'environnement. Il convient dès lors d'étudier le projet informatique non seulement dans ses diverses composantes mais aussi dans ses échanges avec l'extérieur. MERISE propose d'étudier tout projet informatique selon l'approche de la théorie des systèmes. Il est hors de notre propos de développer ici une approche exhaustive de la théorie des systèmes dans ses fondements. Nous nous contenterons d'en résumer les principaux éléments. La théorie des systèmes se propose " de représenter ou de modéliser dans sa globalité l'ensemble auquel on s'intéresse sous la forme d'un système ", c'est-à-dire à un " ensemble d'éléments identifiables (disposant d'attributs) et de leurs interrelations ". Cette définition s'applique à tout projet de mise en oeuvre d'une base de données, base de connaissances, banque d'images, aide à la décision.

L'approche MERISE implique une relecture de notre méthode pour concevoir une base documentaire par exemple. Cette relecture, nous la proposons à travers une grille schématisée par la figure ci-après qui constitue l'essence du modèle de la théorie des systèmes:

	Variables d'entrée	Variables de sortie
	
		Système d'Information

		 Effet de retour
      

A l'évidence, le système d'information peut se définir:

  • comme un système ouvert et échangeant avec l'extérieur par l'intermédiaire de variables d'entrée et de sortie;
  • comme un système statique composé d'éléments dynamiques, émettant des sorties modifiant l'environnement, et capable lui-même de modifier les variables d'entrée par effet de retour.

MERISE découpe en trois niveaux l'étude de tout système d'information : niveau conceptuel, niveau logique et niveau physique. A chacun de ces niveaux correspond une méthodologie et différents acteurs (utilisateurs, décideurs, informaticiens) intervenant dans ce processus.

Nous étudierons dans la première partie de notre feuilleton le niveau conceptuel qui se découpe lui-même en plusieurs phases :

1ère Phase: l'expression des besoins d'automatisation

2ème Phase: l'étude d'opportunité - le modèle conceptuel des données

3ème Phase: la rédaction du cahier des charges comprenant toutes les spécificités fonctionnelles du système d'information à bâtir

Michèle CHAMPAGNE

FICHE N 1 : L'EXPRESSION DES BESOINS

OBJET DE LA FICHE : Définir globalement des solutions fonctionnelles compte-tenu d'une part de l'état de la situation actuelle et, d'autre part, des orientations désirées.

On pourra évaluer les coûts, les risques et enjeux du nouveau système, et préciser les ambitions et limites du projet envisagé.

QUE VEUT-ON INFORMATISER ?

Répertorier une typologie des documents selon les paramètres suivants :

  • dresser les types de contenu de vos documents : le texte, les graphiques géométriques et photographiques, les formules mathématiques, les tables ou tableaux, le son ;
  • recenser les différents supports des documents selon les catégories suivantes:
    • le papier et les différents formats (A3, A4...)
    • la microfiche
    • le microfilm
    • les bandes et disques magnétiques (fichiers, bases de données)
    • les disques optiques
  • inventorier qualitativement le contenu des documents selon les différentes classes:
    • classe de document structuré, contenant des rubriques fixes et toujours identiques. C'est le cas des questionnaires.
    • classe de document semi-structuré qui comporte une partie fixe et une partie variable. C'est le cas des tableaux.
    • classe de document non structuré, c'est-à-dire dont on ne peut prévoir ni la dimension, le contenu, ni la fréquence.
  • Une fiche sommaire sera établie pour chaque classe ainsi:

    • le nom de la classe (structurée, semi-structurée...)
    • la description de cette classe, c'est-à-dire les éléments communs

  • évaluer le volume de la documentation qui devra être traitée par le système en tenant compte des évolutions pour les années à venir. Dans cette estimation, seuls sont à considérer les documents présentant un intérêt pour être mémorisés dans le système.

La procédure ci-après vous aidera à estimer avec précision le volume d'une documentation :

1ère Etape: déterminer les classes de documents à intéger dans le système et l'année de début d'intégration (les documents antérieurs à l'année de départ ne seront pas pris en compte, sauf cas particuliers).

2ème Etape: pour chaque classe et chaque année (depuis l'année de départ jusqu'à maintenant), estimer les séries chronologiques suivantes:

  • le nombre moyen et la taille moyenne des nouveaux documents;
  • le nombre moyen et la taille moyenne des documents à détruire;

3ème Etape: déduire des séries précédentes, les méga-octets ou giga-octets d'après le tableau ci-après:

Type de contenu Description du contenu Description du codage Taille en Ko
Textes 50 lignes de 80 caractères 1 octet/caractère
1 Ko pour la description des structures
5
Tables 20 lignes de 10 cellules 10 octets/cellule
2 Ko pour les règles
1 Ko pour les structures
5
Schémas 600 primitives graphiques 40 octets/primitive
1 Ko pour les structures
25
Image Noir/Blanc matrice: 2400 lignes taux de compression: 10 50
Photo couleur matrice: 625 lignes 3 Octets/couleurs, pas de compression 1550

A SUIVRE... TITRE DES PROCHAINES FICHES :

  • n 2 : Les objectifs recherchés
  • n 3 : Les moyens financiers
  • n 4 : Echéancier prévisionnel de réalisation du projet

FORMATION


LE FEUILLETON DE MEMOIRE VIVE:
TOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR L'EXPLOITATION INFORMATIQUE DES CORPUS PAR LES HISTORIENS SANS AVOIR JAMAIS OSE LE DEMANDER
Second épisode, La saisie informatique des données

De la minutie avant toute chose

Vous avez conçu et réalisé la structure de votre base de données (avec la commande CREATE). Il faut maintenant démarrer la saisie, c'est à dire taper les informations au clavier, champ par champ, individu par individu, puis les enregistrer sur un support magnétique (disque dur ou disquette). Au fur et à mesure que vous remplirez votre fichier, il est possible que la structure de l'information, telle qu'elle a été primitivement conçue, ne vous donne pas une entière satisfaction : il sera possible de la transformer sans perdre les données.

Les opérations de saisie sur ordinateur prennent autant de temps (sinon plus ) qu'avec un fichier de papier... Et même si vous devenez un virtuose du clavier, il faudra vous méfier de vos talents et ne pas vouloir en faire trop et trop vite. Il est aussi évident que l'usage d'un micro-ordinateur portable (en attendant les machines de poche, qui ne vont pas tarder à être très accessibles), permet de combiner en une seule opération le dépouillement des documents et la saisie informatique. Dans ce cas, le gain de temps est réel.

Si le prologue et le premier épisode de notre feuilleton concernaient autant et même plus le métier d'historien que la " technique " informatique, les questions abordées au cours de ce second épisode sont des recettes de " cuisine " qui ne nécessitent guère d'effort intellectuel. Elle requièrent néanmoins beaucoup d'attention, d'ordre et de minutie. Il est très facile de perdre tout ou partie du contenu d'un fichier ou de compromettre la qualité des résultats à venir.

Au démarrage, quelques indications

L'emploi de caractères majuscules ou minuscules est indifférent lorsqu'il s'agit de taper une commande ou de désigner un fichier ou un champ. C'est la même chose pour les lettres accentuées. Toutefois, dans la présentation des exemples, j'adopterai la convention suivante : sauf exception, les noms des commandes et de leurs paramètres apparaîtront en lettres majuscules, tandis que les autres informations, telles que des noms de fichier et des noms de champ, seront imprimées en minuscules. La syntaxe des commandes de DBASE ou de FOXBASE est facilement assimilable, même si, sur la version française de chacun de ces deux logiciels, les ordres se donnent en anglais, tandis que les messages d'erreurs et les autres informations sont affichés en français.

Une commande exprime une action sous la forme d'une phrase assez simplifiée. Elle commence toujours par un verbe et comprend éventuellement plusieurs paramètres qui lui servent de complément. On tape une ligne de commande au clavier, puis on appuie sur la touche " retour ". Si la commmande est syntaxiquement correcte, elle s'exécute immédiatement; sinon, un message d'erreur apparaît. Après l'exécution d'une commande, le logiciel vous rend la main en affichant un point, qui marque donc la fin de chaque phrase ou ligne de commande. Un petit truc au passage pour les paresseux. A l'aide de la flèche de déplacement vertical, on peut rappeler à l'écran les commandes précédentes pour ordonner à nouveau leur exécution (en opérant éventuellement des modifications), ce qui est très commode pour un travail répétitif.

Vous êtes le seul maître à bord de votre ordinateur. Ceci signifie que vous pouvez ordonner les commandes selon l'ordre que vous souhaitez, autant de fois que vous voulez, bref travailler au rythme qui vous convient. N'hésitez pas à faire des gammes, à vous entraîner sur des exemples ou des échantillons.

L'on peut désormais se servir de DBASE ou FOXBASE sans savoir le nom et la syntaxe des principales commandes, en effectuant simplement des choix sur des menus (en français) qui défilent successivement à l'écran: il suffit de taper, dès le début d'une session de travail, la commande ASSIST. D'une part, cette facilité ne s'applique pas à toutes les commandes; d'autre part, en débutant, il me paraît nécessaire de connaître d'abord les possibilités et les pièges du logiciel en le pilotant directement. C'est pourquoi, dans un premier temps, celui de l'apprentissage, je ferai comme si la commande ASSIST n'existait pas, mais il va de soi que ces menus représentent un progrès en matière de convivialité dont il ne faudra pas se priver.

Où les données se trouvent-elles?

Lorsqu'il est chargé à partir du disque dur, le logiciel suppose que vos données se trouvent également sur celui-ci (unité C). Au cours d'une session de travail, si vous voulez vous servir exclusivement d'un support " disquette ", vous changerez l'unité implicite en tapant la commande :

.SET DEFAULT TO A

ou

.SET DEFAULT TO B

Si vous voulez utiliser de temps à autre des fichiers qui ne sont pas enregistrés sur l'unité implicite, vous les désignerez en faisant précéder leur nom du préfixe A: ou B: ou C: (ce sont les conventions MSDOS).

Si vous employez une machine dotée d'un disque dur, il semble évident de gérer vos fichiers de données sur ce support qui présente deux avantages essentiels par rapport à la disquette:

  • une plus forte capacité de stockage
  • une rapidité supérieure d'accès à l'information.

Toutefois, il est périlleux de conserver exclusivement ses données sur un disque dur. Une défaillance quelconque du système ou une mauvaise manoeuvre peuvent entraîner la perte des fichiers, surtout si vous êtes contraint de " reformater " le disque dur. Je conseille d'opérer la saisie sur des disquettes (en prenant la précautions de faire des copies), puis d'effectuer les traitements sur le disque dur.

Sur quel siècle travaillez-vous?

Si vos données comportent un ou plusieurs champs de type date antérieurs au XXe siècle, il faudra spécifier avant de commencer la saisie ou la mise à jour des données:

.SET CENTURY ON

De cette façon, le siècle implicite (quelle expression!) ne sera plus seulement le XXe (avec deux chiffres pour l'année) mais aussi les XVIe-XIXe siècles (avec quatre chiffres pour l'année.)

Selon la version du logiciel, la date sera parfois au format américain (mois/jour/an). D'où un message d'erreur incompréhensible quand on essaie de saisir une date avec le style français. Il faut se méfier de ce petit piège et taper à chaque début de session de travail :

.SET DATE FRENCH

Un fichier doit être ouvert ou fermé

Avant d'exécuter une opération quelconque sur un fichier de données, l'on doit déclarer son " usage " au moyen de la commande :

.USE nom de fichier

ou :

.USE nom de fichier.extension

Votre fichier a été nommé pour la première fois quand vous avez exécuté la commande CREATE. Sauf indication contraire, le nom que vous lui avez attribué (8 caractères maximum) a été automatiquement complété par un suffixe de trois caractères : DBF (abréviation de data base file). Ce suffixe DBF permet au logiciel de distinguer immédiatement qu'il s'agit d'une base de données. Si vous souhaitiez lui affecter un suffixe particulier, il fallait le préciser lors de la création, mais dans ce cas le logiciel exigera que toute référence à ce fichier soit accompagnée par l'extension ou le suffixe (précédé du signe " . ").

Exemples.

Si la base de données a été baptisée negriers :

.SET DEFAULT TO A
.SET DATE FRENCH
.SET CENTURY ON
.USE negriers

Quand la base de données a été baptisée negriers.ori (un suffixe quelconque peut servir à désigner plusieurs versions ou sous-parties d'un corpus), il faudra taper (après les commandes précédentes) :

. USE negriers.ori

Dans ce cas, si vous avez oublié de mentionner l'extension du nom de fichier dans la commande USE, vous recevrez un message d'erreur (surréaliste), qui vous dira que le fichier de donnée n'existe pas... Vous obtiendrez le même message lorsque vous chercherez (vainement) à utiliser un fichier qui devrait se trouver sur l'unité implicite alors qu'il est placé sur une autre unité. Si vous n'êtes pas encore bien familiarisé avec l'environnement MSDOS, il vaut encore mieux désigner un fichier de données à coup sûr en précisant son nom complet :

. USE A:negriers.ori

Tout ceci a l'air évident pour ceux qui sont déjà initiés à la manipulation d'un " compatible IBM PC ", mais quand ce n'est pas le cas, ces quelques notions vous éviteront des déconvenues.

Si vous avez oublié le nom d'un fichier, il suffit de taper la commande DIR C:*.* ou DIR A:*.* ou DIR B:*.* ou simplement DIR *.* (dans ce cas on se réfère à l'unité par défaut) pour obtenir l'affichage ou la liste de tous les noms de fichiers se trouvant sur telle ou telle unité.

Un fichier de données ressemble à une boîte. La commande USE soulève le couvercle de la boîte, afin de vous permettre de consulter des fiches, de les corriger, d'en ajouter, d'en retrancher... Lorsqu'un fichier est ouvert, il devient complètement accessible, du premier au dernier enregistrement.

Avec DBASE ou FOXBASE, l'on peut travailler simultanément sur plusieurs bases de données, donc ouvrir en même temps plusieurs fichiers. Comme cette façon de procéder exige la connaissance d'autres possiblités (assez complexes) du logiciel, elle sera explorée dans un épisode ultérieur, lorsque nous verrons comment coupler deux fichiers de données ou établir des liens entre eux. Nous nous limiterons pour le moment à traiter le cas le plus simple : un seul fichier est ouvert.

Quand une base de données à été ouverte au moyen de la commande USE, toutes les commande suivantes se rapporteront nécessairement et implicitement à cette base de données jusqu'à ce que celle-ci soit refermée. Ceci signifie que l'on ne peut travailler sur un fichier sans avoir exécuté au préalable la commande USE nom de fichier.

Une base de données peut se " refermer " de quatre manières (au choix)

  • En ordonnant l'ouverture du fichier suivant, on ferme implicitement le fichier précédent :

    .USE negriers
    .(suite de commandes quelquonques)
    .USE base2
    (l'ouverture de base2 commande aussi la fermeture de negriers)

  • Au moyen de la commande CLOSE DATABASES (qui se passe de commentaire).

  • En tapant la commande USE sans mentionner aucun nom de fichier (petite astuce)

  • En tapant QUIT, c'est à dire la commande qui termine une session de travail, l'on ferme tous les fichiers. La commande QUIT représente le seul moyen de quitter correctement le logiciel. Mettre votre machine hors tension sans exécuter au préalable cette commande est à déconseiller, surtout si une base de données se trouve en cours d'usage... Vous risqueriez d'abîmer ce fichier.

Vérifier la structure d'un fichier de données

Lorsqu'un fichier de données vient d'être généré à l'aide de la commande CREATE, le logiciel vous demande si vous souhaitez ajouter tout de suite des enregistrements. Il vaut mieux répondre négativement et vérifier d'abord que la structure de la base de données correspond effectivement à ce que vous attendiez. La réponse négative entraînant la " fermeture " du fichier créé, il faudra l'ouvrir à nouveau:

.USE negriers

puis on ordonne:

.LIST STRUCTURE

La structure du fichier s'affiche sur l'écran. Pour obtenir une trace imprimée, on tape (après avoir pris la précaution de mettre l'imprimante sous tension) :

.LIST STRUCTURE TO PRINT

Cette commande LIST STRUCTURE ne donne pas seulement la liste des champs avec leur quatre critères de définition (nom, type, largeur et nombre de décimales). Le logiciel vous indique le nombre d'enregistrements que contient le fichier et la date de la dernière mise à jour (si la date a été actualisée sous MSDOS) . En fin de liste, vous obtenez la longueur d'un enregistrement (en nombre de caractères) qui est égale à la somme des largeurs de chaque champ, plus un caractère de contrôle. Le produit de la longueur d'un enregistrement par le nombre de " fiches " vous donne une estimation de la place nécessaire sur le disque dur ou sur la disquette.

Modifier la structure d'un fichier de données

Il est possible de réviser à tout moment la structure d'un fichier " DBF ", que ce soit en cours de saisie, de correction, de traitement, bref à n'importe quel stade de l'exploitation. On tape:

.MODIFY STRUCTURE

Cette commande s'exécute en deux étapes.
Lors de la première étape, la structure du fichier apparait à l'écran (ou sur plusieurs " pages-écrans " selon le nombre de champs). En jouant sur les touches de déplacement, d'insertion et de suppression, vous pourrez :

  • supprimer des champs;
  • ajouter ou insérer des nouveaux champs à l'emplacement voulu
  • modifier les caractéristiques d'un champ existant.

Quand tous les changements ont été effectués, on valide l'opération en tapant simultanément sur les touches CTRL et FIN. Le logiciel vous demandera de confirmer en frappant la touche RETOUR. C'est durant le second temps que la commande s'exécute véritablement.

Si la saisie informatique n'a pas encore débuté, l'on peut se permettre de bouleverser complètement l'architecture d'une base de données... Si vous avez déjà enregistré des " fiches ", vous devrez prendre un certain nombre de précautions qui ne sont pas vraiment imposées par le logiciel, mais plutôt dictées par l'expérience.

La première précaution consiste à ne jamais exécuter la commande MODIFY STRUCTURE sur le fichier original, mais sur un double ou une copie de celui-ci. En transformant la structure d'une base de données, tous les enregistrements que celle-ci contenait sont réécrits sur le fichier en usage, si bien que des maladresses peuvent entraîner des pertes involontaires d'information. En fait, avant de changer et la structure et (éventuellement) le contenu du fichier de données, le logiciel génère automatiquement une copie du fichier origine sous la forme d'un fichier portant le même nom que celui-ci, mais avec l'extension.BAK. Quand la commande MODIFY STRUCTURE a été complètement exécutée, vous disposez donc de deux base de données, celle portant le suffixe BAK (exemple negrier.bak) contient l'ancienne version, et celle portant le suffixe DBF contient la nouvelle version. Malgré cela, nous conseillons aux débutants d'opérer sur une copie de travail.

La seconde précaution concerne les champs dont vous modifiez la définition. Si vous réduisez la longueur d'un champ, il faut vérifier que la nouvelle dimension n'aboutira pas à " tronçonner " le contenu de la rubrique dans plusieurs enregistrements. Si vous transformez le type d'un champ (par exemple un champ caractère converti en champs numérique), il faut également s'assurer que les données se prêteront à l'opération... Enfin, l'on doit éviter de corriger l'orthographe d'un nom de champ, car changer (même un seul caractère) dans la désignation d'une rubrique revient en fait à créer un nouveau champ et à perdre le contenu de celui qui correspondait à l'ancien nom... Si l'on veut malgré tout modifier un nom de champ, il y a une façon indirecte de procéder que nous verrons au prochain épisode (avec la commande REPLACE).

J'ai effectué les modifications suivantes sur la structure du fichier négriers La longueur des champs NOMBATEAU, NOMCAPIT, NOMRPLTCAP, ARMATEURS et LIEUDEST a été modifiée pour être raccourcie ou allongée selon les cas. J'ai également ajouté 5 nouveaux champs :

  • DATEDEBTRT et DATEFINTRT pour la date de début et de fin de la traite;
  • SITESTRAIT (champ caractère) pour situer la traite sur la côte d'Afrique (quand on rencontre plusieurs sites, la désignation de chaque lieu est séparée de la précédente par le signe " / ");
  • REVOLNOIRS (champ logique) si les captifs embarqués se sont révoltés à bord;
  • LIEUVENTE (champ caractère) pour le lieu de la vente des Noirs.

Nous obtenons une nouvelle structure de la base de données sur les expéditions négrières, qui comprend désormais 27 champs.

Nous prenons mieux en compte la richesse de la source documentaire, mais compte tenu des modifications, la longueur de chaque enregistrement est passée de 363 à 440 caractères.

Saisir et enregistrer

La saisie informatique des données s'opère avec la commande APPEND. Après avoir tapé et envoyé cette commande, le logiciel affiche la structure du fichier. A la gauche de l'écran, figurent les noms des champs, et à la droite, les zones réservées pour les réponses, dont la longueur est délimitée ou balisée par un affichage en vidéo inverse (sur fond blanc). Il s'agit donc de remplir ces espaces blancs, caractère par caractère, ligne par ligne, et aussi page par page si le nombre de rubriques nécessite un affichage réparti sur plusieurs pages-écrans. En y regardant de plus près, l'on observe que l'écran est divisé en trois parties :

  • vers le haut, un cadre contient des rappels assez sommaires sur les principales touches actives en " mode APPEND ";
  • le centre de l'écran est occcupé par le questionnaire ou " masque de saisie ";
  • la base de l'écran est réservée pour des informations ou des messages sur le déroulement du travail

Saisir des enregistrements revient exactement à remplir un questionnaire en se servant des touches de déplacement du curseur, ainsi que des touches d'insertion et de suppression de caractères.

Les touches de déplacement ne sont pas spécifiques au mode APPEND. Elle sont les mêmes pour toutes les commandes qui permettent d'éditer des données en pleine page :

  • la touche " entrée " ou " retour " pour passer d'un champ à l'autre;
  • les quatre flèches de déplacement horizontal et vertical pour se promener dans la page-écran;
  • les deux touches de déplacement de " page ", l'une pour aller vers la page-écran suivante, l'autre vers la page-écran précédente.

Les touches de suppression et d'insertion de caractères sont les touches ordinaires du clavier. En outre, si l'on veut " gommer " en une seule action tout ou partie du contenu d'un champ, on place d'abord le curseur, puis l'on tape CTRL Y (deux touches) et la zone s'efface à partir de la position du curseur.

Tant que l'on reste sur la " fiche " en cours, la saisie n'a pas encore été enregistrée et l'on peut effectuer toutes les corrections possibles, revenir sur tel ou tel champ, etc. Il n'est même pas nécessaire de remplir le questionnaire dans l'ordre des champs.

La saisie d'un champ de type MEMO suit une procédure particulière. On ne peut pas remplir directement le champ SOURCES (qui a été déclaré comme champ de type MEMO). Il faut d'abord positionner le curseur sur le nom du champ, puis taper simultanément sur les touches CTRL et HOME. Un autre écran apparait alors, sorte de feuille vierge sur laquelle on écrira le contenu du champ, comme si l'on avait affaire à un logiciel de traitement de texte. Puis l'on tape CTRL END (ou FIN) pour revenir au questionnaire. Toutes les bases de données comportant un champ de type MEMO sont organisées en deux fichiers : le fichier de données et aussi un fichier complémentaire, qui porte le même nom que le fichier principal, mais reçoit l'extension DBT (abréviation de database text). C'est le logiciel qui gère le lien entre le fichier principal et ce fichier complémentaire.

Le type et la largeur de chaque champ vous imposent de respecter les règles liées à la définition de la structure du fichier. On ne pourra pas dépasser la dimension maximale d'une rubrique, ni remplir un champ numérique avec des caractères alphabétiques, ni saisir une date incomplète dans un champ de type date; mais cela ne suffit pas.

Il faudra aussi adopter des conventions ou faire des choix qui n'exerceront leur effet qu'après la saisie, lors des phases d'exploitation des données. Lorsqu'il s'agit d'un champ de type caractère, vous devrez choisir de taper les informations en lettres majuscules ou en lettres minuscules et suivre le même choix d'une fiche à l'autre. Je conseille plutôt des saisies exclusives en lettres majuscules (sauf pour les champ de type MEMO), qui simplifient les tâches de corrections et de tri. Toutefois, l'on peut parfaitement saisir des minuscules et même des minuscules accentuées, mais il faudra en tenir compte lors des traitements ultérieurs. On n'oubliera pas de choisir un séparateur pour les " sous-champs " des rubriques telles que ARMATEURS ou SITESTRAIT, et toujours le même. Nous avons prévu que plusieurs personnages ou plusieurs sociétés peuvent être impliqués dans une campagne négrière, et dans ce cas, leurs noms respectifs seront séparés par le caractère " / ". Nous avons adopté la même tactique pour le champ qui permet d'énumérer les sites ou lieux de traite.

S'il s'agit d'un champ numérique, dont le contenu par défaut est nul, vous devrez prendre une décision pour ce que l'on appelle les " non réponses ". Par exemple, avec le champ NBDCEQUIP (nombre de décès parmi l'équipage), il ne faut pas confondre les cas où il n'y a pas de décès et ceux où les données sur la mortalité de l'équipage font défaut. Une solution consiste à réserver la valeur 0 quand la réponse est vraiment nulle et à prendre comme code de non-réponse la valeur maximale du champ si celle-ci n'est jamais atteinte : 99 ou 999 ou 9999 (selon la longueur).

Dès que vous avez tapé le contenu du dernier champ et appuyé sur la touche " RETOUR ", le logiciel affiche à nouveau un questionnaire vierge et, en même temps, la fiche que vous venez de saisir est enregistrée sur la disquette ou le disque dur. Même si vous n'avez pas eu besoin de remplir la fin de la fiche en cours, il suffit d'agir sur les touches de déplacement du curseur qui vont vers l'aval pour passer à la fiche suivante. Au bas de l'écran, un compteur vous indique qu'un enregistrement s'est ajouté au fichier, et ainsi de suite jusqu'à ce que vous n'ayez plus envie de poursuivre la saisie.

On peut sortir de la commande APPEND de trois façons :

  • quand le curseur vient d'être placé sur le premier caractère du premier champ d'une fiche encore vierge, en appuyant sur la touche " RETOUR ";
  • en agissant, quelle que soit la position du curseur dans le questionnaire, sur la touche " ESC " ou " ECHAP ", mais dans ce cas le contenu de la fiche en cours est perdu et ne sera pas enregistré;
  • en agissant simultanément sur les deux touches " CTRL " et " FIN " (ou " END "), quelle que soit la position du curseur dans le questionnaire, alors le contenu de la fiche en cours sera conservé (même si la saisie a été partielle) et un autre enregistrement s'ajoutera au fichier.

Sauvegarder les données.

Il est indispensable de posséder une ou deux copies d'un fichier de données. On peut réaliser ces copies de deux manières :

  • en se servant de la commande COPY propre au logiciel;
  • en utilisant l'ordre COPY du système d'exploitation MSDOS.

La commande COPY de DBASE ou FOXBASE offre de multiples possibilités. L'exemple suivant montre la procédure à suivre pour réaliser une copie ordinaire de la totalité d'un fichier de données:

.SET DEFAULT TO A
.USE negriers
.COPY TO C:negriers.cop

Un message vous indique le nombre d'enregistrements qui ont été copiés, puis le logiciel vous rend la main.

A partir du fichier en cours d'utilisation (négriers), qui se trouve en principe sur une disquette (lecteur A), on a effectué une copie que l'on baptise à son gré. Ici, cette copie porte le même nom que l'original, mais son extension est " cop " et le travail s'est exécuté sur le disque dur. Si l'on veut que le fichier negrier.cop soit également recopié sur une disquette distincte de la disquette où se trouve déjà l'original, on continuera de la façon suivante.

.USE C:negriers.cop

Cette commande ferme aussi le fichier A:negriers.dbf (le fichier original), ce qui permet de retirer la disquette. On introduit ensuite une autre disquette, puis on tape :

.COPY TO A:negriers.cop

L'on dispose maintenant de trois exemplaires du même fichier de données. L'un se trouve sur le disque dur (C:negriers.cop), un autre sur une disquette " origine " (A:negriers.dbf), et un autre encore sur la disquette " bis " (A:negriers.cop).

Autres facettes utiles de la commande COPY

La commande COPY permet aussi de copier uniquement la structure d'un fichier de données :

.USE fichier1
.COPY STRUCTURE TO fichier2
.USE fichier2
.APPEND

La base fichier2 possèdera exactement la même structure que la base fichier1, mais elle ne contiendra aucun enregistrement. Ainsi, pour créer à chaque fois des fichiers qui seront coulés dans le même moule, il ne sera pas nécessaire de passer par la commande CREATE.

On peut aussi copier un fichier de données en reproduisant seulement une partie de la structure de ce fichier :

.USE negriers
.COPY TO essai1 FIELDS numex,nombateau,datedepart,dateretour

Le fichier essai1 comprendra tous les enregistrements du fichier negriers, mais sa structure se limitera à 4 champs (ceci implique à l'évidence que les informations contenues dans les autres champs ne seront pas recopiées). Les champs retenus sont spécifiés après le paramètre FIELD et séparés par une " , ".

L'usage de l'option FIELD peut également s'appliquer à la copie de structure:

.USE negriers
.COPY STRUCTURE TO essai2 FIELDS numex,nomcapit,armateurs

Le fichier essai2 ne contiendra aucun enregistrement. Sa structure se composera des trois champs mentionnés dans la commande COPY.

Il est donc possible, à l'aide de la commande COPY, non seulement de réaliser des sauvegardes de données, mais aussi, en partant toujours d'une base " origine " (le fichier en cours d'usage), de produire des sous-ensembles de données ou de structure de données.

A chaque fois que l'on veut exécuter la commande COPY, l'on peut créer un nouveau fichier ou remplacer le contenu d'un fichier déjà existant par d'autres données. Dans ce dernier cas, le logiciel affiche un message d'avertissement et vous demande de confirmer l'opération.

Exemple :

.USE negriers
.COPY TO C:negriers.cop
.APPEND

Après avoir ajouté des enregistrements au fichier negriers, l'on veut à nouveau réaliser une copie cette base de données:

.COPY TO C:negriers.cop
> Le fichier C:negriers.cop existe déjà, confirmez-vous son écrasement (O/N)?

Si l'on répond " O ", la nouvelle version de negriers.cop se substituera à l'ancienne, alors que la commande COPY ne s'exécutera pas avec une réponse négative.

Fusionner des fichiers de données

La commande APPEND FROM permet de mettre à jour une base de données en lui ajoutant automatiquement des enregistrements qui proviennent d'un autre fichier. Ceci revient à fusionner ou à mettre successivement bout à bout plusieurs bases de données. Supposons que le corpus des expéditions négrières a été saisi et réparti entre trois bases de données possédant la même structure ( ngr1, ngr2 et ng3) et que je souhaite fusionner ces trois fichiers au sein d'une seule base que j'appellerai ngrtot. On procèdera de la façon suivante:

.USE ngr1
.COPY TO ngrtot
.USE ngrtot
.APPEND FROM nrg2
.APPEND FROM ngr3

La première étape consiste à réaliser une copie de ngr1 dans ngrtot, puis l'on ouvre le fichier ngrtot, qui devient le base de données en cours d'usage. C'est à partir de ngrtot (qui contient déjà les fiches de ngr1), que j'ai sucessivement ajouté tous les enregistrements provenant de ngr2, puis tous ceux de ngr3. Cette commande APPEND FROM est très puissante, mais elle doit être utilisée avec discernement.

Et maintenant, à vos claviers! le prochain épisode de ce captivant feuilleton sera surtout consacré à la correction et à l'édition des données.

André ZYSBERG


LOGICIELS


CHRONOS, UN LOGICIEL POUR L'HISTOIRE

Conçu en France, fruit de cinq années de recherches menées par une équipe d'historiens et d'informaticiens, Chronos est le premier logiciel traitant dans une collection complète de l'histoire du monde de 1789 à nos jours et permettant de retrouver instantanément toute l'information qui s'y rapporte.

Le noyau du système est constitué par plus de cinquante mille événements, de biographies, de thèmes de recherche et de compléments documentaires que l'utilisateur peut enrichir à l'aide de textes, cartes, tableaux, graphiques ou images.

L'ensemble est piloté par un outil de recherche unique, véritable cerveau capable de comprendre et de guider toute interrogation historique, de la plus simple à la plus complexe. Ces possibilités sont ouvertes par un moteur d'inférence en logique d'ordre 1 et par un corps de faits et de règles formant une expertise adaptée à l'histoire.

Pourquoi avoir fait le choix de l'intelligence artificielle?

L'histoire est un puits sans fond. L'utilisation de logiciels traditionnels de gestion de l'information contraint à délimiter des champs, à concevoir une hiérarchie de l'information qui aboutira à des subdivisions aussi hasardeuses scientifiquement que génératrices de déperdition pour le contenu. Les systèmes intelligents possèdent une réelle aptitude à manier les connaissances et à conduire des raisonnements par déduction. Peu ou prou, ils procèdent à la manière d'un historien en examinant des grilles de lecture, en tentant de les articuler logiquement.

L'intelligence artificielle ouvre le domaine de ce que l'on appelle les connaissance "floues", difficilement représentables selon des modèles mathématiques rigides. Ses principes permettent d'aborder aussi bien le travail de recherche au jour le jour - quelles que soient la spécialité, l'époque de prédilection, les méthodes qui entrent en jeu - que les projets documentaires, dans des domaines fort divers.

Du laboratoire à la salle de classe

Un système intelligent simplifie profondément la relation homme/machine. Il répond au sens commun par la reconnaissance de différentes données primitives (dates, époques, noms de lieux, de personnes, d'organisations) et une compréhension raisonnée du vocabulaire qui est en soi une approche du langage naturel. Il cherchera les hypothèses les plus en rapport avec une interrogation et trouvera dans les résultats produits la source de nouvelles hypothèses. C'est cette dernière dimension, dont il convient de souligner les aspects pédagogiques, qui a incité les éditeurs de Chronos à le publier dans un premier temps sous la forme de banques de connaissances conçues pour l'enseignement.

Chronos vise à fournir un outil moderne aux enseignants, aux élèves du secondaire et aux étudiants. Un effort a particulièrmeent été apporté à sa conception dans le but de le rendre facilement accessible, tant au novice qu'à l'historien le plus exigeant. Les bases Chronos ne requièrent en effet aucune connaissance spécifique en informatique et encourageront le profane à se familiariser avec ce nouveau mode de recherche de l'information. Leur manuel d'utilisation est clair et court : un quart d'heure d'apprentissage est seulement nécessaire pour maîtriser leur fonctionnement.

Un système ouvert

Chronos permet à l'utilisateur de poser ses questions en langage courant. De simples manipulations du clavier assurent ensuite la navigation dans les connaissances. L'enseignant peut en outre modeler à loisir chaque base en fonction du sujet traité : Chronos ne restituera alors que les données qui apparaissent les plus pertinentes aux yeux du pédagogue.

Chronos offre par ailleurs au documentaliste la possibilité de gérer une vaste bibliographie en rapport avec tous les événements mondiaux de 1789 à nos jours. N'importe quelle source saisie sur informatique peut lui être facilement connectée, de même que n'importe quel périphérique car Chronos peut piloter une recherche multi-médias en étant interactif avec des vidéodisques CD-ROM, disques optique numériques, etc... qui lui apporteront l'image, le son ou l'accès à des archives volumineuses.

Utilisable par tous, à la portée de tous

Chronos fonctionne sur tous les IBM PC et compatibles, y compris avec de toutes petites configurations (double-lecteurs et 256 Ko de RAM). L'installation d'une base pilotant un vidéodisque requiert par contre un disque dur ainsi qu'une liaison "série RS 232".

Le ministère de l'Education nationale a sélectionné Chronos Révolution française en lui allouant une licence mixte.

Les lycées et collèges bénéficient d'un prix avantageux :

  • Chronos Révolutions française : 500,00 F TTC
  • Chronos Révolution française pilotant les "Images de la Révolution française" : 1.100,00 F TTC

Autres bases Chronos disponibles :

  • D'un empire à l'autre (la France de 1800 à 1870)
  • La Vie politique dans le monde (1848-1945)
  • La Troisième République (1870-1944)
  • Les relations internationales de 1848 à 1945
  • Chronos kit (utilitaire qui vous permet de personnaliser vos bases).

Chacune 790,00 F TTC

Guillaume BOURGEOIS