A. Le cerveau de ces projets d’envergure : l’ingénieur

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Plan du siège de Philippsbourg, 1688, Gallica.

1. Le rôle de l’ingénieur aux XVIIe et XVIIIe siècles

Depuis la Renaissance, les ingénieurs sont des experts en fortifications, spécialisés dans la construction de places fortes. À la fin du XVIIe siècle, un examen permet d’obtenir le titre d’ingénieur, jugé sur les mathématiques, la mécanique, la géographie et l’architecture civile. Ceux qui réussissent sont inscrits sur l’état des ingénieurs, avec un salaire variant entre 400 et 1 200 livres, selon le grade. Leur formation se fait sur le terrain, souvent auprès d’un mentor, jusqu’à la création de l’École Royale du Génie en 1748, qui uniformise l’enseignement.

Avant cette école, les ingénieurs du Roi se divisent en deux catégories : les ingénieurs de tranchées, spécialisés dans les sièges et la défense, et les ingénieurs de places, qualifiés en architecture militaire et civile. Ces derniers, souvent formés pendant plus de 20 ans, jouent un rôle clé dans les grands projets d’urbanisme et de fortifications. Affectés aux villes stratégiques, ils supervisent la construction d'ouvrages publics et contribuent à la transformation des villes, augmentant ainsi leurs revenus.

Au début du XVIIIe siècle, les ingénieurs de places prennent le dessus sur les ingénieurs de tranchées. Isaac Robelin (1660-1728), ingénieur en charge de plusieurs projets, a joué un rôle majeur dans la reconstruction de Rennes après l'incendie de 1720, aux côtés de Jacques V Gabriel. Cependant, c’est surtout Robelin qui a marqué l’évolution de la ville.

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Plan de Besançon et de ses travaux de défense par Vauban, lavis d’encre et aquarelle, 1714,BNF département Estampes et Photographies, EST VE 128.

2. Isaac Robelin : portrait d'un ingénieur issu de « l’école de Vauban »

Isaac Robelin, né en 1660 et fils de l’ingénieur militaire du même nom, devient ingénieur ordinaire du roi à 16 ans, en 1676. Il participe à la guerre de Hollande (1672-1678), où il est blessé lors du siège de Saint-Omer. En 1678, il est affecté à la fortification de la ville sous les ordres de son père et de Vauban, contribuant à l’amélioration des remparts et à l’instauration de systèmes de défense par inondation. Robelin poursuit sa carrière en supervisant la construction de l’aqueduc de Maintenon aux côtés de son père, démontrant ses compétences en hydraulique.

En 1688, il participe au siège de Philippsbourg et au sac du Palatinat. En 1689, il est nommé directeur des fortifications de la Franche-Comté, où il supervise les travaux de fortification de Besançon, notamment la construction du quai Vauban, malgré l’opposition de Vauban lui-même. En 1700, après des conflits de direction, Robelin quitte la Franche-Comté pour Brest, où il devient directeur des fortifications de Bretagne.

Sa carrière, marquée par des conflits avec Vauban, démontre son caractère indépendant et déterminé. Les écrits de la Communauté de Rennes, comme d’autres témoignages, soulignent son rôle clé dans la reconstruction de la ville après l’incendie de 1720. Son approche stricte et méthodique, héritée de son parcours militaire, se reflète dans le tracé rigoureux et régulier de la nouvelle ville de Rennes, un modèle d’urbanisme souvent appliqué aux villes reconstruites après des catastrophes majeures