Le rouge dans le mouvement ouvrier

Contrairement au bleu, associé au travail manuel, et au noir, perçu comme une couleur d’autorité ou de contestation radicale, le rouge a toujours été une couleur de combat, de révolte et de revendication sociale.

Le rouge ouvrier au XIXᵉ siècle : couleur de la révolte et du sang versé

Le rouge est une couleur qui évoque le sang et le danger avant même d’être associé aux mouvements ouvriers. Dans le monde du travail, il est peu utilisé pour les vêtements (contrairement au bleu ou au noir), mais il symbolise déjà la violence des conditions de vie des travailleurs.

L’un des événements fondateurs de l’association entre le rouge et le monde ouvrier est la Commune de Paris (1871). Lors de cette insurrection ouvrière et populaire, le drapeau rouge devient le symbole de la révolte contre l’ordre établi.

Il s’oppose au drapeau tricolore, symbole de l'État bourgeois. Il est hérité des révolutions précédentes (Révolution française, mouvements socialistes en Europe). À partir de là, le rouge devient indissociable du socialisme et du mouvement ouvrier.

Le rouge au XXᵉ siècle : l'âge d'or du rouge prolétaire

Le rouge, symbole du communisme et du syndicalisme avec la montée des partis communistes et socialistes, devient omniprésent dans le monde ouvrier : le drapeau rouge est brandi dans les grèves, les manifestations et les meetings syndicaux. La CGT (Confédération Générale du Travail), principal syndicat ouvrier, adopte très tôt le rouge comme couleur de lutte. Les affiches et journaux ouvriers utilisent le rouge pour symboliser la colère, la combativité et la solidarité.

Le rouge et les grandes luttes ouvrières

Entre 1936 (Front Populaire) et 1968 (Mai 68), le rouge est la couleur des conquêtes sociales :

• 1936 : Grèves massives, congés payés, réduction du temps de travail.
• 1945-1947 : Nationalisation d'entreprises, construction de la Sécurité sociale.
• 1968 : Grèves générales, occupations d’usines, révolte contre le patronat et l’État.

Durant ces périodes, porter du rouge, brandir un drapeau rouge, ou même afficher un simple foulard rouge, c’est revendiquer son appartenance à la classe ouvrière combattante.

Urne destinée à collecter les dons de soutien à la grève des travailleurs sans papiers occupant le Palais de la Porte Dorée entre le 7 octobre 2010 et janvier 2011

Rouge Aujourd’hui : entre Héritage et Déclin

Depuis les années 1980, l’affaiblissement du mouvement ouvrier et du communisme a fait reculer l’usage du rouge dans les luttes sociales.

Les syndicats se diversifient : la CGT garde le rouge, mais d'autres couleurs apparaissent (jaune pour la CFDT, bleu pour la CFE-CGC). On peut observer ici l'urne fabriquée par les travailleurs sans papiers. Elle est conservée au Musée national de l'immigration :

"Le mouvement dit des “travailleurs-es sans papiers” s’est structuré à partir du 12 octobre 2009, soutenu par la CGT et un ensemble d’organisations syndicales et d’associations regroupés dans le “Groupe des onze” (CGT, CFDT, Unsa, FSU, Solidaires, LDH, Cimade, Resf, Autremonde, Femmes Égalité, Droits devant). Le fond d’objets et de témoignages que le musée a conservé de ce mouvement concerne l’occupation de la Cité (ancien nom du Musée) et comprend des archives du piquet historique (2008/2009) Randstad du 12e arrondissement de Paris (communiqués, publications, vidéos, films et photos - dont l'occupation des marches de l’Opéra Bastille et celle de la CNHI), des objets recueillis pendant l’occupation et le témoignage de Moussa Diarra, délégué du piquet de grève du 30 av Daumesnil."

Un important travail sur la collecte d'objets de luttes a été mené par le photographe Jean-Luc Moulène entre 1982 et 1998. On peut observer aux Archives Nationales des Mondes du Travail ce paquet de cigarettes “Gauloises” rouge, la “Pantinoise”. À l'origine bleu, le paquet est transformé par les ouvriers de l'usine en lutte. Symboliquement, ils transforment l'emballage en le colorant à l'image de leur révolte.

Le Rouge face aux nouvelles couleurs contestataires

Le rouge est concurrencé par le noir et le jaune dans les mouvements contestataires récents (Black Blocs, Gilets Jaunes).

Dans la culture populaire, le rouge reste un code visuel puissant pour représenter les ouvriers (films, affiches, littérature engagée).

Contrairement au bleu, qui est resté une couleur de vêtement ouvrier, le rouge a été avant tout une couleur politique et syndicale. Il a accompagné les grandes luttes du XIXᵉ et du XXᵉ siècle, mais son usage a décliné avec l’affaiblissement du mouvement ouvrier.

Aujourd’hui, il reste un symbole de révolte et de solidarité, même si d’autres couleurs (le noir, le jaune) ont pris une place plus importante dans les luttes actuelles.