Violences et batailles rituelles
La violence occupe une place intrigante dans les festivités carnavalesques où elle prend de multiples formes. Querelles et batailles de confettis ou de fleurs, bien que plus inoffensives que de réels combats, placent rivalités et d'affrontements au coeur des célébrations. Les images que nous avons de ces manifesttions interrogent la frontière entre représentation théâtrale et réalité, et la manière dont la violence, même ritualisée, peut coexister avec les festivités du carnaval. Elles appellent à une réflexion sur la complexité des symboles et des expressions que revêt la violence au sein de ces célébrations traditionnelles.
Pieter Brueghel l'Ancien, Le Combat de Carnaval et Carême
Pieter Brueghel l'Ancien, Le Combat de Carnaval et Carême, 1559, Pays-Bas, huile sur panneau de bois, 118 × 164,5 cm, © Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Cette peinture emblématique de Bruegel, Le Combat de Carnaval et Carême, illustre le conflit visuel et symbolique entre l'abondance festive du Carnaval (c'est-à-dire étymologiquement « adieu à la viande ») et la sobriété du Carême (où seule la consommation de poisson était autorisée). Les personnages grotesques, les danses effrénées et les célébrations tumultueuses créent un contraste saisissant avec la sévérité ascétique, représentant de manière expressive la transition inévitable de l'extravagance à la frugalité.
Sur ce panneau, chaque détail contribue à la richesse de la narration visuelle. Les figures carnavalesques, aux masques grotesques, se livrent à des danses endiablées au premier plan. En contraste, à l'arrière-plan, des personnages sévères et ascétiques représentent le Carême, soulignant le choc entre l'abondance et la privation. Les expressions faciales et la gestuelle des personnages sont saissisantes, renforçant l'exploration visuelle de ce heurt entre deux mondes sans concession. Leur éphémère coexistence placée sous le signe du combat représente pour le spectateur une faille ambigüe typique du renversement des certitudes et du tourbillon de folie que représente le Carnaval.
Inconnu (Suiveur de Jheronimus Bosch), Le Combat de Carnaval et Carême Inconnu (Suiveur de Jheronimus Bosch), Le Combat de Carnaval et Carême,1555 - 1575, Pays-Bas, Huile sur panneau de bois de chêne, 59 × 118,5 cm, © Noordbrabants Museum.