La naissance d’un marché d’art en Europe
La France renforce son implantation sur le continent africain au début du XXe siècle, en augmentant notamment le nombre de militaires envoyés dans ses colonies. À la même période, les objets africains arrivant sur le marché de l’art parisien sont de plus en plus nombreux. Les militaires coloniaux profitent de la naissance de l’intérêt pour les arts africains et collectent, achètent ou pillent des objets afin de les ramener en Europe et de les vendre à des collectionneurs et marchands d’art. L’entreprise de la colonisation accompagne alors la naissance d’un marché de vente en Europe et la constitution des collections des grands marchands d’art africain. Les collectionneurs et marchands les plus importants du début du XXe siècle entretenaient le mystère autour de la façon dont les objets arrivaient sur le continent et communiquaient rarement l’identité de leurs fournisseurs. Certains collectionneurs, afin de s’adresser directement aux officiers coloniaux, publiaient des annonces dans des revues spécialisées, et travaillaient avec les militaires mobilisés dans les colonies afin de s’approvisionner en objets.
Le regard européen sur les masques africains
Au début du XXe siècle, les objets africains passent lentement du statut de curiosités ou d’objets ethnographiques à œuvres d’art. Une partie de la société française exprime son incompréhension voire son rejet face à ce nouvel intérêt pour les arts « non-occidentaux ». En 1927, Man Ray photographie Simone Breton dans l’atelier de son mari, André Breton, où l’on peut apercevoir de nombreux masques africains et océaniens décorant le mur. Le poète et écrivain surréaliste a joué un rôle important dans le changement de la perception des arts africains qui s’est opéré au XXe siècle en France. Sa passion pour les arts dits « primitifs » influença ses créations ainsi que celles d’autres artistes surréalistes. Les murs de son atelier étaient décorés d’une multitude d’objets et d’œuvres d’art issus de différentes régions du monde, exhibés tels des trophées, nous rappelant le lien entre l’histoire coloniale de l’Europe et la naissance d'un marché de l'art africain.
Atelier d'André Breton, Man Ray, 1927, photographie, Musée national d’Art moderne
Ainsi, les masques africains zoomorphes fascinent autant qu’ils effraient et contribuent largement à la création d’un imaginaire colonial dans l’esprit des Français. Cette vision dite exotique dote les objets africains d’une véritable aura, alimentée par nombre de récits littéraires et la façon dont ils sont exposés dans les musées français. Le terme « fétiche » est rapidement adopté par le monde de l’art occidental afin de désigner les objets rapportés d’Afrique subsaharienne. Ce terme reflète l’idée que se font les européens des objets africains, en leur attribuant des propriétés sacrées, englobant toutes les croyances pouvant exister, et ignorant les objets de divertissement et du quotidien.