Conclusion
Haut lieu symbolique du pouvoir et du faste royal français, musée « dédié à toutes les gloires françaises », trésor et écrin du patrimoine national, Versailles est aussi le témoin de la naissance et de la chute de l’empire allemand, le lieu de l’humiliation la plus cuisante. Il fut, parmi les musées et palais concernés par le plan de sauvegarde des collections nationales, le plus protégé d’entre eux à cause de cette charge symbolique de haine et de revanche. L’organisation secrète de sa défense et l’évacuation massive de ses œuvres témoignent du souci national que représente la protection du patrimoine. La France, traumatisée par les destructions de la première guerre mondiale, s'est rendue prête à toute éventualité.
De ce plan gigantesque, des archives ressurgissent encore avec les noms des nombreux hommes et femmes qui se sont battus pour la sauvegarde du patrimoine, afin qu’il ne cesse pas d’être transmis. Après la guerre, leur action n’est pas restée inféconde. Non seulement, les Monuments Men, des soldats conservateurs des armées alliées, ont vu le jour ; mais la politique de préservation a duré, notamment en la personne de Rose Valland qui, durant l’après-guerre, a mis en place un plan d’évacuation en cas de conflit atomique. Aujourd’hui, les plans de sauvegarde des biens culturels sont devenus des enjeux majeurs dans nos musées. Une autre destruction, celle de Notre-Dame de Paris, a rappelé au monde l’importance de prévoir et pressentir les risques mettant en danger le patrimoine. Le regard sur le passé qu’offre cette exposition, permet de faire remonter la nécessité de ces pratiques de sauvegarde du patrimoine et leur actualité, comme le rappelle Arnaud Bertinet en invoquant les paroles de Paul Valéry (1871-1945) : « Les civilisations se sont éprouvées comme concrètement mortelles : Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues et la ruine totale de ces mondes avaient aussi peu de signification pour nous que leur existence même ; mais France, Angleterre, Russie, ce seraient aussi de beaux noms. » (Colloque du 1er juin 2022, « Sur la piste des œuvres disparues en temps de guerre (1870-1945) »).