C - Pressentir la guerre (dès les années 1930)

Affiche du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), ou parti nazi d'Adolf Hitler en 1931 avec pour slogan « Gegen Versailles » (« Contre Versailles »). AKH Images
L’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 marque un tournant et raffermit les craintes apparues lors de la montée des mouvements nationalistes. En effet, Hitler dénonce le traité de Versailles en tant qu’instrument d’asservissement du peuple allemand, il l’accuse ainsi d'enchaîner le citoyen allemand. Le château de Versailles devient alors, aux yeux des nouveaux mouvements nationalistes, un symbole de l’humiliation imposée par les Alliés.
Dans un contexte où la guerre semble inévitable, bien que son déclenchement demeure incertain, les États européens se préparent discrètement à affronter un nouveau conflit, notamment en renforçant leurs moyens de défense. La nécessité de protéger Versailles s’impose alors avec évidence, par crainte que l’Allemagne nazie ne s’en prenne au château dans un esprit de revanche. Comme l’exprime Arnaud Bertinet : « Lors de conflits armés, le patrimoine d’un pays est à la fois l’emblème d’une identité collective, une source de convoitise et un otage éventuel. »
Consciente de cette menace, la direction générale des Beaux-Arts amorce dès août 1935 un travail de planification, réunissant les informations nécessaires pour l’élaboration d’un plan d’évacuation réaliste. Ce programme s’inscrit dans une réflexion plus large menée par les musées nationaux, qui visent à abriter une majorité des œuvres dans leurs propres institutions. Joseph Billet, inspecteur des musées de province, est ainsi chargé d’établir des listes de priorités pour l’évacuation ou la protection sur place des collections, en commençant par les régions du Nord et de l’Est, celles-ci étant les plus exposées. Dans cette logique, un travail de repérage est mené afin de trouver des lieux de repli pour l’ensemble des musées français. En mai 1938, le château de Chambord est officiellement désigné comme le principal dépôt des œuvres issues des musées nationaux. Quelques mois plus tard, lors des accords de Munich, une répétition générale de l’évacuation est organisée, confirmant l’ampleur des préparatifs et la détermination des autorités à préserver le patrimoine national face aux menaces de guerre imminentes.

Inauguration de l'expostion "A Versailles en 1789" par Albert Lebrun, © Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin.
En septembre 1938, alors que la crise des Sudètes atteint son paroxysme, l’inquiétude grandit à Versailles. Patrice Bonnet alerte sur le manque de moyens humains en cas de mobilisation et la menace des attaques aériennes. La peur pousse alors les autorités à commander 20 000 sacs de sable supplémentaires pour calfeutrer le château, tandis que des mitrailleuses de défense anti-aérienne sont installées sur les toits. La signature des accords de Munich le 30 septembre évite, pour l’instant, la guerre, mais révèle les insuffisances du plan de protection des œuvres : aucune pièce n’a encore quitté le château. La nécessité de revoir les préparatifs devient évidente. Si l’exposition "À Versailles en 1789" se tient bien en mai 1939, l’ombre du conflit plane désormais et fait l’objet de toutes les préoccupations.