B - Le plan de sauvegarde nationale
Le processus d’évacuation du patrimoine en 1939 ne surgit pas de nulle part : il s’inscrit dans une tradition de protection des œuvres en période de conflit, dont les premières réflexions remontent à 1870. En effet, dès le 29 août de cette année-là, en pleine guerre franco-prussienne, le comte de Nieuwerkerke est convoqué aux Tuileries par l’impératrice Eugénie, qui décide l’évacuation des musées, le Louvre est alors entièrement vidé. Cette prise de conscience marque un tournant : la mise à l’abri des collections les plus précieuses devient une nécessité face aux affrontements militaires. Ainsi, au fil des conflits mondiaux, la survie du patrimoine ne se résume plus à sa simple translocation ; elle devient un enjeu majeur des oppositions armées contemporaines.
Après les destructions massives de la Première Guerre mondiale, la présidence du Conseil s’inquiète de la préservation du patrimoine français en cas de nouveau conflit.
Dès février 1930, un rapport secret évoque l’organisation d’une évacuation à grande échelle, tandis qu’un plan de protection et de mobilisation est élaboré par l’administration des Beaux-Arts (AN 20144782 ex AMN R1 10, 4 février 1930). En octobre 1932, alors que l’Allemagne se retire de la conférence de Genève sur le désarmement, Henri Verne, directeur du Louvre, demande à ses conservateurs d’identifier les œuvres prioritaires à évacuer et d’étudier les modalités de leur transfert. Cette réflexion dépasse bientôt le cadre national : le Traité de Washington et le Pacte Roerich, signés le 15 avril 1935 sous l’égide de l’Organisation internationale des musées (OIM), marquent la première tentative à l’échelle mondiale d’organiser la mise en sécurité du patrimoine des nations en prévision d’un conflit. Pour la première fois, la sauvegarde des trésors culturels ne relève plus uniquement d’initiatives nationales, mais devient une question internationale, anticipant les ravages de la Seconde Guerre mondiale.