JOSÉPHINE DE BEAUHARNAIS
Les personnages historiques font souvent l’objet de légendes tirées d’anecdotes dont plusieurs versions circulent, plus ou moins remaniées dans le temps. Joséphine n’échappe pas à la règle. Dans son enfance, il lui aurait été prédit qu’elle serait plus que reine ! Cette prédiction a donné lieu à de nombreuses représentations.
Elle se promenait sur les terres des Trois Îlets. Un groupe d’esclaves entourant une femme âgée frappe son attention. Elle s’approche : c’était une vieille négresse qui disait aux jeunes filles de l’habitation leur bonne aventure. En apercevant Mlle de Tascher, elle se montra émue, agitée, et lui prenant vivement la main, elle se mit à la considérer avec attention, reportant les yeux de la main sur la figure de sa jeune maîtresse : « Vous voyez donc sur mon visage quelque chose de bien extraordinaire ? lui dit Joséphine. — Oui, répondit la négresse. — Est-ce du malheur ou du bonheur qui doit m’arriver? — Des malheurs.... Oh! oui..., du bonheur aussi. — Vous ne vous compromettez guère et vos oracles ne sont pas trop clairs. — Je n’oserais les rendre plus intelligibles, dit cette femme en levant les yeux au ciel avec une expression singulière. — Mais enfin que lisez-vous pour moi dans l’avenir ? reprit Joséphine, dont la curiosité commençait à être piquée. — Vous le voulez. Écoutez : vous vous marierez bientôt ; cette union ne sera point heureuse ; vous deviendrez veuve, et alors.... vous serez reine de France ; vous aurez de belles années, mais vous périrez dans une émeute. » Là-dessus la négresse quitta brusquement le groupe qui l’écoutait avec surprise, et elle s’enfuit aussi vite que son âge le lui permettait.
Joseph Aubenas, Histoire de l’Impératrice Joséphine, 1857-185
Joséphine n’a jamais consulté de bohémiennes, comme on l’a prétendu à tort. Elle a pu parler d’un rêve extraordinaire à sa nourrice. Il n’y a rien d’étonnant à cela. On assure qu’elle aurait vu, dans le plus profond de son sommeil, un aigle planer au-dessus de sa tête, se baisser vers elle, l’emporter bien haut !... bien haut ! et la laisser retomber ensuite au milieu d’un buisson de roses... de là l’explication toute naturelle de la nourrice, lorsqu’elle lui dit : Vous serez reine un jour !
Joseph Poisle Desgranges, L’Impératrice Joséphine, la bien-aimée du peuple, 1866
Au long de cette existence pas très différente de celle qu’aujourd’hui l’on mène dans toutes les campagnes de la Martinique, rien ne laisse présager un destin autre que banal. À moins d’être crédule au point de prêter foi aux prédictions d’une vieille Caraïbe du Croc-Souris, le morne au loin, d’accès difficile, riche en serpents, et que l’on voit depuis l’habitation. Or c’est là que Yéyette est allée un après-midi, bien sûr avec Geneviève et Mauricette, sans prévenir quiconque de sa famille. Quel émoi de
ne la trouver la nuit venue ! Enfin la voici. Bien tard. Elle raconte enthousiasmée, ce que la vie lui apportera : elle se mariera une première fois mais ne sera pas heureuse, elle se mariera une seconde fois, et alors le monde entier sera à ses pieds, elle sera plus qu’une reine. C’en est trop, Madame de La Pagerie, excédée, met sa fille huit jours au pain sec dans la galerie basse au sud de la purgerie.
Dr. Robert Rose-Rosette, L’impératrice Joséphine et son île, conférence du 17 juin 1975
Portrait de Joséphine Beauharnais dans son salon à Malmaison par François Gérard en 1801