UNE HABITATION-SUCRERIE
Dès la fin du XVIIe siècle
À la fin du XVIIe siècle, ce qui deviendra les terres du Domaine de La Pagerie appartenait à la famille Duval. La concession de terre, de 1500 pas de large sur 3000 pas de haut (1705*3411m), s’étirait entre, d’un côté, la mer Caraïbe, de l’autre, des
bois debout. Seule une petite partie du fonds de terre était alors défrichée et cultivée en cannes et en vivres ; néanmoins, l’habitation était déjà équipée d’un établissement pour sucrerie. Le domaine s’étendait du rivage, au lieu-dit Trou Morin à l’intérieur des terres, jusqu’aux abords de Morne-la-Plaine, sur plus de 500 hectares de terre. L’habitation fut d’abord connue sous le nom de « la Petite Guinée », en référence au grand nombre d’esclaves qui y étaient exploités. Elle prit ensuite le nom de « la Sannois », rappelant les propriétaires de l’époque : Joseph des Vergers de Sannois et son épouse, Marie Catherine Brown.
1761, des Vergers de Sannois aux de Tascher de La Pagerie
En 1761, à l’occasion du mariage de Rose Claire des Vergers de Sannois avec Joseph Gaspard de Tascher de La Pagerie, les parents de Joséphine, l’habitation entra dans les biens de la famille de Tascher de La Pagerie, dont le nom est resté. Cette période marque le début du déclin économique de l’habitation, ravagée par un cyclone en 1766 et jamais complètement rétablie du fait de l’impéritie du père de Joséphine. En 1766, la maison principale n’y résista pas. La famille de Joséphine fut contrainte de vivre un temps à l’étage de la sucrerie. Néanmoins, l’activité sucrière se perpétua au moins jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1848.
Les habitations coloniales étaient tenues par des propriétaires, résidant ou non sur place. Les propriétaires de La Pagerie vivaient habituellement sur l’habitation, excepté entre 1807 à 1826.
Après le décès de sa mère aux Trois-Îlets en 1807, Joséphine hérita de l’habitation, puis à sa suite ses enfants Eugène et Hortense. Le destin particulier de Joséphine explique son absence et celle de ces enfants. Propriétaires lointains, ils tiraient les bénéfices de l’exploitation du domaine administré par une tierce personne sur place, le régisseur appelé ordinairement géreur à la Martinique. On trouvait habituellement aussi un économe chargé d’assurer l’ordre et la surveillance des esclaves et de tenir les comptes de l’habitation. Entre 1814 et 1825, le Baron d’Arney était chargé des affaires du Prince Eugène ; sa correspondance permet de connaître le nom de quelques-uns des géreurs qui se succédèrent sur l’habitation de La Pagerie. Il s’agit de M. Barrois de 1817 à 1824, puis de M. Denouille, économe entre 1821 et 1824, ensuite géreur intérimaire pendant quelques mois après le départ de M. Barrois. M. Roux leur succéda en 1824, avec la charge de trouver un acheteur pour vendre l’habitation. En effet, en 1824, le prince Eugène décède et sa veuve décide de revendre l’habitation, laquelle sort alors définitivement de la liste des possessions de la famille de Tascher de La Pagerie.
1826, une succession de propriétaires martiniquais
À partir de 1826, les propriétaires martiniquais se succédèrent : la famille Le Tourneux acheta l’habitation, avant de la vendre à la famille des Caffié en 1829. En 1838, M. Caffié revendit à M. Birot Monlouis l’établissement qui ne comptait plus alors que 58 esclaves.
Après l’abolition de l’esclavage, l’habitation passe aux mains de quelques autres propriétaires : les familles Dorry (vers 1853), Chembrelent (de 1855 à 1867), Quenesson, enfin Marchal. Le dernier propriétaire fut vraisemblablement exproprié vers 1887 à la suite d’un jugement au profit du Crédit foncier colonial. En 1889, le Crédit foncier colonial a revendu l’habitation à la Colonie. En 1894, la Colonie démembra l’habitation pour la vendre en lots plus petits. Le lot n°1, qui correspondait à l’emplacement du site actuel du Domaine de La Pagerie, connut encore quelques mutations entre les familles Alexis, Laclef, Quitman, avant d’être acquis par le Dr Robert Rose-Rosette en 1944, marquant un tournant dans l’histoire du domaine.