Les catalogues aux formes non-livresques
Les premiers catalogues se présentent sous la forme de simples livrets. Au cours du temps, ils gagnent en largeur, hauteur et épaisseur et prennent la forme des livres d'art.
Pourtant, certains artistes ont joué avec cette convention et ont voulu dépasser le catalogue comme livre.
Le catalogue d'exposition prend alors des formes diverses et non-livresques. Est-ce la mort du catalogue ou son renouveau ?
Dans le cadre d’une exposition Dada en 1953, Marcel Duchamp a conçu un catalogue d'une seule page, sur papier tissu, encadré par un liseré orange composé de la répétition du mot DADA, qui était destiné à être froissé, mis en boule de papier, et jeté à la poubelle !
A l’entrée de l’exposition se trouvait un panier à linge qui contenait de nombreux catalogues froissés.
Le 27 novembre 1960, à l’occasion du troisième Festival d’Art d’avant-garde organisé par Jacques Polieri et Michel Ragon, l’artiste Yves Klein publie un catalogue sous la forme d’un journal de quatre pages, imprimé par Combat et Presse de France réunis, et vendu dans les kiosques parisiens. Le catalogue imite un véritable Journal du dimanche : titres, caractères et mise en page sont entièrement conçus par l’artiste. C’est le Journal d’un seul jour.
Yves Klein y montre pour la première fois la célèbre photographie de son saut dans le vide : Le peintre de l'espace se jette dans le vide. Il écrit : "Je suis le peintre de l’espace. Je ne suis pas un peintre abstrait, mais au contraire un figuratif, et un réaliste. Soyons honnêtes, pour peindre l’espace, je me dois de me rendre sur place, dans cet espace même".
L'exposition Live In Your Head : When Attitudes Become Form,organisée par le commissaire Harald Szeemann en 1969 à la Kunsthalle de Berne, est considérée comme l'une des plus importantes expositions d'après-guerre. Fondamentale dans l'histoire de l'art conceptuel, elle instaure notamment la supériorité du processus de création sur l’objet fini.
Le catalogue d'exposition est lui aussi remarquable. Intitulé When Attitudes Become Form : Works-Concepts-Processes-Situations-Information, il se présente sous forme d'un annuaire, découpé à l'emporte-pièce et relié avec des ferrures pour les différents artistes. Il prend en compte le processus de travail des artistes et du commissaire d'exposition : les lettres répondant à ses invitations à l'exposition sont par exemple ajoutées à la publication.

Christian Zeimert, "Zeimert : peintures récentes" [cat. exp. Paris, ARC, Musée d'art moderne de la ville de Paris, 1971], Paris, 1971 ©Clara Cougoulat
L'artiste français Christian Zeimert se définit comme "peintre calembourgeois". Il organise une exposition en 1970-1971 intitulée Zeimert : peintures récentes, qui porte sur des "peintures-catastrophes".
Le catalogue qui y est associé se démarque pas sa forme originale : Il s’agit d’un calendrier des postes.
Composé de six pages collées sur un support en carton, faites d’un papier très fin, se rapprochant du calque, il joue avec les codes d’un objet du quotidien. Ce que l’on pourrait qualifier de première de couverture, le calendrier en lui-même, est composé de douze colonnes, représentant les mois de l’année, chacune remplie de dates se rapportant à des évènements politiques cruciaux pour la lutte ouvrière, anarchiste et communarde. Au centre se trouve le titre de l’exposition, sa date, le nom de l’artiste, le logo de l’ARC (la section Animation, Recherche, Confrontation du Musée d’art moderne de la ville de Paris) ainsi qu’une reproduction d’une oeuvre en couleur dont le titre est indiqué au-dessous. La première page figure une liste, probablement des oeuvres exposées, dont seul le titre est précisé, avec une reproduction en noir et blanc sans identification. Ensuite, le catalogue est composé d’un mélange de textes caractéristiques des calendriers des postes, intitulés « Renseignements généraux sur le service des postes et télécommunications » et de deux préfaces, rédigées par Michel Troche et Pierre Gaudibert, prenant la forme de lettres adressées l’un à l’autre. Il s’agit d’un procédé se rapportant à la pratique même de l’artiste, celui de la "préface-bidon", dans laquelle il est question de divers sujets triviaux, reléguant le sujet de l’artiste et de sa peinture au second plan, entretenant le principe de la peinture-panique. Enfin, un calendrier des levers et couchers du soleil se trouve à la fin du catalogue, dans lequel n’est incorporé aucun texte ayant un rapport avec l’exposition.