Le statut de l'artiste
Les années 1960-1970 sont également marquées par une non-spécialisation des pratiques artistiques. Les artistes publient des livres, des revues, les diffusent, gèrent des galeries, des centre d’art, organisent des expositions, portant la casquette de diverses professions culturelles spécialisées.
A l’instar de Marcel Duchamp qui, nous l’avons vu, prend en charge l’organisation et la conception de ses expositions et catalogues, les artistes pénètrent dans le domaine, plus vaste, de la culture.
Ainsi, les publications d’artiste remettent en cause la définition traditionnelle de l’œuvre d’art comme objet reconnaissable à sa fabrication par la main de l’artiste, à sa rareté, à son unicité. Cette confusion des genres rend difficile la distinction entre catalogue d’exposition et livre d’artiste.
Dieter Roth, Dieter Roth : Boeken. Amsterdam, Stedelijk Museum, 1975. (c) The idea of the book
A cet égard, les publications de Dieter Roth, imprimeur et artiste contemporain suisse éclairent la question. Il conçoit en 1974 et 1975 deux catalogues pour des expositions de ses livres. Le premier, plutôt conventionnel, contient des reproductions des œuvres de l’artistes et quelques pages documentaires informatives.
En revanche, le second ne contient que des croquis très libres de têtes en noir et blanc, imprimées sur de grandes planches pliées en pages inégales, non massicotées et simplement agrafées. Il s’agit ici d’un véritable livre d’artiste, brouillant les frontières dans le statut même de son créateur. Il existe donc toutes sortes de variations entre la publication d’artiste et le catalogue d’exposition mis en page par l’artiste lui-même.
« L’artiste n’étant pas obligatoirement un idiot ou un analphabète, pourquoi n’écrirait-il pas aussi ? »
Daniel Buren, Daniel Buren. Les Couleurs : Sculptures / Les formes : Peintures. Paris, 1981.