Les catalogues post-conceptuels
Si l'art conceptuel, au sens strict du terme, prend fin à la fin des années 1970, d'autres artistes suivront et développeront les idées du mouvement. Les catalogues d'exposition présentés ici s'inscrivent dans cette mouvance.


Michelangelo Pistoletto, "Cento mostre nel mese di ottobre" [cat. exp. Galleria Giorgio Persano, Torino, 1986], Torino, 1976 ©Rosemary Furtak Collection, Walker Art Center Library
Cette petite publication carrée, de 9 x 9 cm, regroupe cent propositions d'expositions conceptuelles, conçues et décrites par l'artiste Michelangelo Pistoletto. Le catalogue est ici une sorte de "livre de recettes" d'expositions, destinées à être réalisées. Si traditionnellement, le catalogue est un document mémoire de l'exposition qu'il accompagne, Michelangelo Pistoletto inverse ici complètement son rôle. Il devient, au contraire, le document préalable aux expositions.
Beaucoup des expositions présentées dans ce catalogue seront effectivement réalisées dans les années qui suivirent.

Herman de Vries, "Catalogue incomplète d’exposition complète de luang-prabang, a random sample of my visual chances", Bern : artists press, 1975 ©CND
Ce catalogue présente 35 photographies en noir et blanc, contrecollées sur des fiches en carton gris épais, rangées dans un boite. Ces clichés ont été pris par Herman de Vries au hasard de ses promenades dans les rues de la ville de Luang-Prabang au Laos.
L'artiste accrocha sur plusieurs arbres de Luang-Prabang un feuillet, sur lequel était annoncé une "exposition complète de Luang-prabang comprenant tous les éléments de paysage, de ville et tous les objets, vivants et morts de la région de Luang-Prabang", et indiquait que cette exposition était "ouverte tous les jours, par tous les temps, à continuer partout et par tous".
Herman de Vries montre alors que la réalité sera toujours plus riche que n'importe quelle oeuvre, y compris cette boîte de photographies éditée après coup, une fois l'artiste retourné en Europe. Ce "catalogue" est alors nécessairement incomplet, en ce qu'il ne constitue que des fragments de la réalité.


Christian Boltanski, "Inventaire des objets appartenant à un habitant d’Oxford", [cat. exp. 1973] Westfälischer Kunstverein, Münster, 1973
Si Christian Boltanski ne peut être rattaché à aucun mouvement artistique, certaines de ces oeuvres sont proches de l'art conceptuel. Dans l'exposition Inventaires organisée en 1973, il décide de montrer des objets et documents d’individus disparus.
Il écrit une lettre manuscrite à plusieurs conservateurs de musées pour expliquer son projet : "Je me permets de vous écrire pour vous soumettre un projet qui me tient à cœur et que j’aimerais pouvoir réaliser. Je voudrais que, dans une salle de votre musée, soient présentés les éléments qui ont entouré une personne durant sa vie et qui restent après sa mort le témoignage de son existence ; cela pourrait aller, par exemple, des mouchoirs dont elle se servait jusqu’à l’armoire qui se trouvait dans sa chambre ; tous ces éléments devront être présentés sous vitrine et soigneusement étiquetés. Je désirerais m’occuper personnellement du classement de la présentation, ainsi que des recherches à effectuer. D’un point de vue pratique, je pense que la plupart sinon la totalité de ces objets pourront être facilement rassemblés en faisant l’acquisition globale d’une vente après décès".
Le catalogue, qui dissimule un livre d'artiste, reprend ces images d'objets, alignées, sans que rien n'y soit ajouté. Gravés sur le papier, ils acquièrent alors une dimension d'immortalité et d'éternité, au-delà de l'exposition.