Un outil au service du pouvoir français dans les relations internationales
La légende de Talleyrand
Antonin Carême, considéré comme le premier chef cuisinier français, réinvente la langue du traité culinaire dans une forme poétique et philosophique. Il ambitionne de devenir l’écrivain de sa propre pratique. Il écrit L’art de la cuisine française au XIXe siècle, publié en 1828, dans lequel il décrit, sous la forme de lettres, des repas qu’il a eu à servir du temps de son service pour l’Empire.
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, par François Gérard, 1808, Metropolitan Museum of Art, New-York.
A 17 ans, en 1801, le jeune orphelin apprenti cuisinier est promu « premier tourier » chez Bailly, célèbre pâtissier rue Vivienne. Il travaille sous les ordres de son maître, Jean Avice, pâtissier à l'hôtel de Galliffet, où est installé le ministère des Relations extérieures de l’Empire. Voici la chance de Carême : l'occupant des lieux est Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Antonin Carême (1784-1833), par Pierre-François Fontaine
Chef incontesté de la diplomatie, il met au point, en accord avec l’Empereur, ce que l’on pourrait appeler une “gastronomie diplomatique”. En 1803, Talleyrand se fait acheter par Napoléon le château de Valençay, destiné à devenir la “table où se fait l’Europe”. Il y reçoit nombre de personnalités.
Talleyrand lance alors un grand défi à Carême, le défi de sa vie : créer une année entière de menus, sans répétition, avec des fruits et légumes de saison. Le chef cuisinier relève le défi. C’est ainsi que le premier chef gastronomique français lance un système qui perdure encore aujourd’hui.
"Lors du congrès de Vienne, de septembre 1814 à juin 1815, la réputation de Carême traverse l'Europe, puisqu'il est l'argument le plus décisif de Talleyrand, alors que le diplomate négocie en position de faiblesse après la défaite de Napoléon. La table à la française de Carême attire un congrès de louanges. À Vienne se dessine une nouvelle carte de l'Europe, mais s'esquisse aussi un nouvel ordre des goûts culinaires des classes dirigeantes, dont l'art de Carême serait la clé de voûte". L'Histoire, décembre 2021.