Le commerce du deuil
Fabriques et manufactures
Au XIXe siècle, les fabriques et manufactures d'articles d'ornements funéraires se multiplient. Les ateliers – essentiellement composés d'ouvrières – se situent à proximité des grands cimetières. À Paris, les magasins se situent dans les faubourgs de l'Est parisien.
Cartographie non exhaustive réalisée à partir des encarts publicitaires diffusés dans L'art et l'ornement funéraires français (mars 1926) et les éphémères en ligne sur Ebay et Delcampe.net.
Légende : Nom de la manufacture et sa spécialité, adresse.
Ouvrages de dames
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les fabriques proposent des articles funéraires "en tous genres", comme il est de mises dans les industries d'art de l'époque. La confection et le tissage de perles, les ouvrages en cheveux ou encore la peinture sur porcelaine sont des ouvrages de dames.
La grande richesse de cette industrie réside dans la variété des techniques et des matériaux utilisés à des fins décoratives. Il était donc possible d'avoir des ateliers de perles, des haut-fourneaux pour la fonte et des fours pour la céramique dans une même fabrique.
Collaboration entre les artisans et les familles
La collaboration entre les artisans et les familles endeuillées est essentielle dans ce processus créatif. Les pompes funèbres contemporaines encouragent de plus en plus la personnalisation, permettant aux familles de contribuer à la conception des objets funéraires et de s'impliquer dans la création d'un hommage artistique.

E. Pironneau, manufacture de fleurs, feuillages & couronnes en celluloïd, perles, métal et céramique, Paris, vers 1920.
Au fil du XXe siècle, les grands négociants d’articles funéraires se sont transformés en service de pompes funèbres. E. Pironneau, dont la maison est implantée dans le 20e arrondissement de Paris (au 1-3-5 bis des Prairies) et (7-8-10 Passage du Parc de Charonne), est une manufacture de couronnes en celluloïd, perles, métal, céramique dans ses propres usines. La maison est réputée pour ses palmes en métal et les fleurs en porcelaine émaillée. Ils disposent d’usines de céramique. La spécificité de ce type de manufacture consiste en cette pluralité de savoir-faire mobilisés.
Maisons de deuil, boutiques et comptoirs spécialisés
De même, du fait de la diffusion du vestiaire du deuil, la production de vêtements et d’accessoires destinés à cette circonstance engendre un commerce particulièrement rentable. On voit ainsi se développer au cours du XIXe siècle des enseignes spécifiquement dédiées au deuil. Le chercheur Jean-Paul Barrière, grâce aux annuaires de la période, en dénombre notamment une dizaine à Paris, qui disposent de succursales en province, deux ou trois à Lyon et à Lille et au moins un dans les principales villes françaises au début de la IIIe République (9). Parmi elles, on peut notamment évoquer le magasin “A la Religieuse” qui ouvre à Paris en 1859 et qui ne dispose pas de succursale mais d’un service de livraison par automobile. Face aux complexités qui président à cette circonstance, les vendeuses sont là pour orienter leurs clientes dans le choix de la toilette la plus adaptée.
Outre les magasins spécialisés, il est aussi possible d’acheter sa tenue de deuil dans les comptoirs spécialisés des grands magasins ou les magasins de nouveautés. Le Bon Marché, le Tapis rouge, le Petit Saint-Thomas, les Grands Magasins du Printemps ou encore le magasin de nouveauté Henry à la Pensée disposent chacun d’un rayon consacré au deuil à la fin du XIXe siècle. Grâce à leurs prix bas, ces enseignes étendent la possibilité de porter un deuil complet à une plus grande partie de la population. On trouve ainsi par exemple plusieurs pages consacrées aux produits de deuil dans le catalogue de vente de l'année 1900 du magasin de nouveautés Henry A la Pensée.
Catalogue de vente du magasin de nouveautés Henry à la Pensée, 1900
Enfin, les clientes endeuillées sont également orientées dans l’achat de leurs toilettes de deuil par les journalistes des magazines de mode de la période. Celles-ci font en effet la promotion des différentes boutiques parisiennes dans lesquelles elles peuvent repérer les dernières tendances et conseillent ainsi leurs lectrices en leur indiquant des modèles adaptés aux circonstances du deuil et l’adresse à laquelle elles peuvent les trouver.
Cependant, il est important de rappeler que tout le monde n’est pas en mesure d’acheter des vêtements neufs à l’occasion du décès d’un proche et les plus pauvres achètent des vêtements de deuil de seconde main ou teignent leurs habits quotidiens en noir.