Les éventails
Éventail plié de deuil (États-Unis), 1887-1889, Bois, crêpe, métal, New York, Metropolitan Museum of Art
Parmi les accessoires féminins en usage au XIXe siècle, l’éventail dispose d’une place particulière. Il est en effet majoritairement utilisé en soirée, pour des évènements mondains tels que les bals ou les dîners. Ce faisant, la production d’éventails destinés au deuil est révélatrice des paradoxes qui entourent cette circonstance. De fait, les femmes en période de deuil sont censées se retirer de la vie sociale et ne sont autorisées à la réintégrer qu’au moment du demi-deuil. Or, l’existence d’éventails de grand deuil et de deuil nous renseignent sur le fait que les femmes ne se pliaient sans doute pas à toutes les exigences transmises par les manuels de civilité ou les différents périodiques de mode. Par la simplification du décor de leur feuille et l’évolution des matériaux utilisés dans leur fabrication, ces objets sont également de précieux témoignages de la généralisation de l’adoption d’un vestiaire de deuil dans la société et de l’industrialisation de la production textile.
Éventail plié de deuil, vers 1830, Papier, gouache, bois noirci, métal, Paris, Musée des Arts Décoratifs
Cet éventail de deuil est particulièrement intéressant puisqu’en plus d’être lui-même un accessoire de deuil, le décor de sa feuille donne à voir les pratiques de deuil des contemporains avec la représentation d’une dizaine personnages au cimetière en habits de deuil. On retrouve ce type de scènes de cimetière sur un grand nombre des feuilles d’éventails de deuil de la période. Celles-ci font alors écho à l’ouverture des cimetières publics au tournant du XIXe siècle, qui donne lieu à un véritable culte des morts et à une généralisation des pratiques de deuil.
Fragment d’une feuille d’éventail de deuil plié, vers 1830, Papier, média mixte
Cet éventail est un autre exemple de modèle décoré d’une représentation imagée de personnages en deuil. On peut noter ici une certaine touche d’humour, avec la présence de la défunte dans le ciel, qui semble bénir la potentielle union à venir des deux personnages en deuil que suggère la mise en scène.
Éventail plié de deuil, vers 1900, Papier, bois, métal, 17 cm (H.t.), Paris, Palais Galliera, Musée de la Mode de la ville de Paris
La simplicité de cet éventail en fait un modèle adapté dès le grand deuil. Il donne aussi à voir une production à bas coût d’éventails, avec des matériaux plus simples qui rend ce type d’accessoires accessibles à une plus vaste partie de la population dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Éventail de deuil en plumes d’autruche, vers 1890, Plumes d’autruche, écaille, métal, 43 cm (H.t.), Paris, Palais Galliera, Musée de la mode de la Ville de Paris
Cet éventail en plumes d’autruches est adapté aux derniers temps du deuil. Il témoigne de la variété des modèles d’éventails en vogue à la fin du siècle mais aussi de l’alignement du vestiaire du deuil sur la mode quotidienne.
Éventail plié de deuil, début du XXe siècle, Soie, sequins en plastique, bois avec incrustations de plastique, métal, New York, Cooper Hewitt, Smithsonian Museum of Design
Cet éventail de deuil se compose d’une feuille de soie avec un décor brodé de sequins plastiques. L’usage de paillettes en plastique est révélatrices des avancées techniques qui caractérisent le XIXe siècle et l’apparition de nouveaux matériaux, moins coûteux, produits industriellement. Le plastique permet de maintenir un fini mat, propice aux circonstances du deuil.
Éventail plié de deuil (France), vers 1885-1895, Crêpe de soie, métal, bois, New York, Metropolitan Museum of Art
Si l’on retrouve peu de décors figuratifs sur les feuilles des éventails de deuil de la fin du XIXe siècle, au profit de feuilles simples noires ou de décors de sequins brodés, il existe tout de même un certain nombre de modèles ornés de motifs floraux. Sur ce modèle, il est intéressant de noter que les fleurs sont représentées en grisaille et que l’on retrouve parmi elles des chrysanthèmes, traditionnellement rattachées à la mort.